Pas moins de huit ateliers de l’Université d’été étaient consacrés à la mobilisation contre la loi travail. Quatre mois et même plus d’actions marquant un retour de la question sociale, après des mois écrasés par les actes terroristes et leur sinistre instrumentalisation par le gouvernement et les partis institutionnels.
Ainsi, plusieurs ateliers étaient d’abord consacrés à l’évaluation, au bilan (encore provisoire) de la mobilisation.
L’atelier sur la « défense critique » du Code du travail a mis en évidence à la fois l’inscription dans le long terme des contre-réformes du droit du travail, un processus engagé précédemment dans plusieurs pays européens, et la volonté affichée de poursuivre toujours plus loin cette régression.
Un mouvement imprévu et particulier
Sur la mobilisation, le premier constat, largement partagé, est celui de son caractère imprévu, même si une lecture attentive de luttes des derniers mois, la colère exprimée contre la condamnation de Goodyear, ou le soutien exprimé aux « tireurs » de chemises d’Air France laissait entrevoir une accumulation de colère, de volonté d’en découdre partagée par de nombreuses équipes militantes, par une frange significative du salariat.
Avec des caractéristiques particulières. Tout d’abord, la place importante prise par les structures géographiques (UL, UD, intersyndicales) essayant de dépasser les difficultés de mobilisation dans les entreprises. D’autre part l’apparition des Nuits debout, en partie réfraction de l’éclatement du salariat et en partie recherche de réponses aux questions « stratégiques » sur lesquelles partis et syndicats souffrent d’un profond discrédit.
Le deuxième constat concerne l’engagement de nombreuses équipes militantes à la lutte au-delà des consignes, des rythmes, avancés par les directions syndicales nationales. Ces équipes, convaincues des profonds reculs qu’imposent la loi travail, se sont engagées dans une lutte exceptionnellement prolongée tout en ayant conscience de l’impérieuse nécessité d’un élargissement, d’un approfondissement du mouvement permettant de hisser le rapport de forces au niveau indispensable au regard de la détermination du gouvernement de passer coûte que coûte, à grands coups de 49.3.
Des directions syndicales en question(s)
Le premier débat commence là, sur les responsabilités du mouvement syndical. Tergiversations, programmation délibérée de l’échec du mouvement par le jeu des journées de mobilisations « saute-mouton », accompagnement frileux, toute une série de nuances en regard des situations locales ou professionnelles très différenciées.
Un accord s’est fait sur le rôle particulièrement négatif de la fédération cheminote CGT, entraînant Sud Rail dans l’échec de la mobilisation du secteur, et l’absence complète de volonté de mobiliser de la FSU. Mais bien des appréciations, des bilans restent à affiner sur le rôle de la direction de la CGT, des fédérations, des UD, qui rendent compte à la fois du sentiment qu’« ils/elles ont fait le boulot », servant d’appui aux équipes combatives et d’une réflexion sur ce que les syndiquéEs, les travailleurEs sont en droit d’attendre de directions syndicales.
Des réflexions à compléter par des analyses plus précises sur le « monde enseignant » ou la jeunesse, milieux dans lesquels la mobilisation ne fut pas à la hauteur des mobilisations passées, même en prenant en compte l’attitude des organisations syndicales.
Quelle politique pour les militantEs anticapitalistes ?
Sur cette base d’accords et de désaccords aux multiples nuances, viennent se greffer des désaccords sur le rôle du NPA, passé, présent et à venir. Avec la réactivation de la notion d’« avant-garde large », les modalités de l’action des révolutionnaires font l’objet de de pratiques différenciées. Pour les unEs, il s’agit avant tout de regrouper les militantEs les plus mobilisés, voire de leur donner un cadre organisationnel adapté et adaptable (comité de grève, comité de mobilisation) en lui fixant un rôle d’avant-garde, aux contours variables (propagande pour la grève générale, pour l’auto-organisation, dénonciation des directions syndicales, affrontement avec les forces de l’ordre...). Pour les autres, sans renoncer aux axes ci-dessus, il faut avant tout viser à l’approfondissement de la mobilisation et faire se tourner prioritairement cette « avant-garde » vers la masse des salariéEs, des jeunes, pas encore convaincue de la nécessité de se battre, de la possibilité de gagner.
Au final, l’impérieuse nécessité de combler le plus largement possible le fossé entre les 70 % de la population hostiles à la loi travail et les quelques centaines de milliers de manifestantEs, entre les 1 500 000 signataires de la pétition contre la loi de travail et les milliers de militantEs qui ont tenu les barrages, reste l’objet de débats-bilans, mais aussi et peut-être surtout de débats-perspectives...
Robert Pelletier