Déclaration de Philippe Poutou sur le mouvement des policiers
Insolites, les manifestations policières de ces derniers jours. Des manifestations interdites, sous des capuches et à visages cachés, c'est osé, car c'est exactement ce qui avaient reproché à des jeunes dans les manifestations contre la loi travail il y a quelques semaines... Insolite aussi la compréhension de ces médias qui nous parlent de la « colère » des policiers, de leur mal-être, de leur peur, alors qu'au printemps dernier, il était plus difficile d'y faire entendre la colère des cheminots ou des éboueurs... contre les violences policières ! Il semble donc difficile d'avoir de la compassion pour une corporation qui, il y a peu, frappait et gazait des dizaines de milliers de manifestants, allant parfois jusqu'à blesser ou défigurer certains d'entre nous.
Mais il faut comprendre ce qui est train de se jouer sous nos yeux. Ces derniers temps, plusieurs policiers ont été agressés ou blessés, dont un de Viry-Châtillon est dans un état très grave, à l'évidence victimes d'attaques de personnes liées à la grande délinquance ou même au banditisme. Le malaise et le ras-le-bol sont donc réels, et nous ne sommes pas indifférents à ce qui se passe. Nous vivons dans une société de plus en plus violente : quartiers sinistrés, populations exclues par le chômage de masse, personnes qui sombrent dans la pauvreté. Et en partie liée à cette situation, une délinquance qui se développe avec son cortège de trafics, de violences, etc.
Pour y faire face, les policiers demandent aujourd'hui des moyens supplémentaires : plus d'effectifs et plus d'armes, pour se protéger et pour mieux réprimer... Mais ils ne semblent pas comprendre - ou ne le veulent pas - que plus de moyens pour réprimer est totalement inutile, et même contre-productif. Car la violence de cette répression se retourne souvent contre eux et contribue à une escalade violente, voire meurtrière. L'intérêt des policiers, en tant qu'individus, devrait être de manifester pour plus d'éducateurs, plus d'enseignants, plus de services publics, contre les licenciements et le chômage, contre l'état d'urgence, pour plus de social et moins de pénal.
S'ils étaient moins aveuglés par des syndicats de droite ou d'extrême droite, leurs revendications, plus constructives, les couperaient moins de l'ensemble de la population. A l'inverse, dans cette mobilisation, ils s'enfoncent dans leurs difficultés par une fuite en avant réactionnaire. L'urgence est bien d'en sortir en imposant des mesures sociales.
Bordeaux, le 21 octobre 2016