Centenaire oblige, dix séances ont été consacrées à la révolution russe. C’est parfaitement justifié : 1917 reste un moment qui n’a guère de précédent dans l’histoire. Cette révolution a modifié le rapport de forces mondial, a structuré tout le cours des luttes de classes du 20e siècle et les organisations du mouvement ouvrier.
Il était donc très important de revenir sur la révolution elle-même, en évitant une histoire préécrite et remâchée, qui tourne bien souvent en célébration obsessionnelle de glorieux ancêtres.
Rendre leur statut d’acteurEs à celles et ceux qui ont vécu les événements
Ce retour au mouvement d’affranchissement permet de rendre leur statut d’acteurEs à celles et ceux qui ont vécu les événements, pour essayer de retrouver leurs raisons d’agir, les ressorts fondamentaux de cette révolution, produite par un processus d’une ampleur considérable qui a secoué la Russie pendant de longues années. C’était l’objectif d’un cycle de trois séances animées par des membres de la commission nationale formation, qui avaient pour objectif d’expliquer le processus révolutionnaire : les prémisses de la révolution, de 1905 à février 1917, la conquête du pouvoir d’avril à octobre 1917, et comment le pouvoir ouvrier a géré ses premières années de novembre 1917 à 1924.
À ce cycle se sont ajoutées quatre séances pour approfondir quelques thèmes. Deux pour creuser la place des luttes contre les oppressions : la place des femmes dans la révolution et les mesures féministes prises d’une part, la question nationale de l’autre. Deux autres se sont ajoutées sur des débats récurrents à propos de cette révolution. L’une a confronté les réflexions sur la question paysanne et le mouvement ouvrier révolutionnaire russe qui se sont développées dans les différentes tendances de la social-démocratie russe, mais aussi chez les populistes et les anarchistes. L’autre a permis à Jean-Jacques Marie de développer plus longuement la place qu’a occupée le parti bolchevik dans le processus révolutionnaire.
Enfin deux séances ont permis d’aborder l’extraordinaire vitalité de la création artistique dans la dynamique révolutionnaire. L’une a traité de la création artistique au temps des soviets, avec une présentation des débats entre les divers courants existants en Russie à cette époque. L’autre a présenté le positionnement des surréalistes sur la révolution d’octobre.
Face à l’offensive réactionnaire, un devoir d’inventaire
Si toutes ces approches ont permis d’avoir une vision étendue de cette période, de réfléchir aux processus engagés, il fallait en outre prendre le temps d’avoir un échange sur les leçons que nous pouvons aujourd’hui tirer de la révolution russe. Comme chaque génération, nous faisons face à des problèmes nouveaux, qui imposent de refaire sans cesse un travail d’assimilation et d’interprétation des événements passés. Par son importance, la révolution russe peut encore beaucoup nous apprendre et nous aider à penser, tant par ses accomplissements que ses échecs, une transformation sociale émancipatrice. Un grand forum autour du thème « Cent ans après la révolution russe, que faire de 1917 ? » animé par Jean Jacques Marie, historien spécialiste de la révolution russe, Catherine Samary et Olivier Besancenot qui vient de publier Que faire de 1917, une contre-histoire de la révolution russe, a permis un échange d’une grande richesse sur ces questions.
Face à l’offensive réactionnaire contre toutes les révolutions, tous ces moments où le pouvoir des possédants, la domination capitaliste est mise à mal, nous avons un devoir d’inventaire. Comme l’écrivait Georges Orwell, « Qui contrôle le passé contrôle l’avenir. Qui contrôle le présent contrôle le passé. » Comprendre ce qui conduit à une révolution, les conditions de réussite de celle-ci, les écueils auxquels elle est inévitablement confrontée est essentiel pour notre activité aujourd’hui car, ainsi que l’écrivait Daniel Bensaid en 1987, comme nous sommes « dépositaires et responsables d’un héritage que le conformisme menace, nous avons la charge de susciter les circonstances où [la promesse révolutionnaire] pourra être "remise en mémoire". »
Patrick Le Moal