Entretien avec Pathak Lal Golder, militant bangladais de l’organisation paysanne Bangladesh Krishok Federation, invité à l’Université d’été où il a participé à deux ateliers. BKF est une organisation forte de 2 millions de membres et l’une des organisations représentantes de la Via Campesina au Bangladesh. Elle a été fondée en 1976 par des militants paysans défendant les paysans sans terre notamment en organisant des occupations de terre. Depuis 2000, BKF travaille aussi sur les questions du changement climatique et de la souveraineté alimentaire. Peux-tu nous dire ce que tu as pensé de l’Université d’été ?Cette UE a été très enrichissante personnellement. C’est la première fois que je viens en Europe et j’ai pu rencontrer ici des militants investis dans des secteurs très différents. Cela m’a permis de comprendre la réalité vécue par les paysans et les ouvriers dans un pays développé comme la France. Au Bangladesh, on a tendance à penser que dans les pays développés les gens sont riches et profitent de la vie. En participant à différents débats et en discutant avec des militants investis dans des secteurs comme les droits des femmes ou l’immigration j’ai pu voir combien l’image que nous avons des pays développés est fausse. Les ouvriers et les paysans, les jeunes, les femmes… ici comme chez nous doivent lutter pour obtenir des avancées. Deux ateliers ont retenu particulièrement mon attention. Celui sur les luttes paysannes au Nord et au Sud et l’atelier sur les droits des femmes. En arrivant en Europe je ne pouvais pas imaginer la souffrance des paysans français au travail et le nombre important de suicides de paysans. Au Bangladesh, les paysans sont très pauvres et 70 % d’entre eux n’ont pas de terre. Ils n’ont pas de facilités comme l’accès aux soins ou à une bonne éducation mais ils vivent dans un environnement sain avec une nourriture relativement saine. Ici, l’agriculture est ultra mécanisée, la plupart des paysans ont une terre et des facilités mais cela n’empêche pas une grande souffrance au travail. C’est très intéressant d’en analyser les causes. L’autre aspect très marquant pour moi concerne les droits des femmes. Cette question est essentielle pour nous. BKF a créé au début des années 2000 une organisation sœur, la Bangladesh Kishani Federation, qui regroupe les femmes paysannes. Cette organisation parallèle des femmes leur permet de s’investir dans les luttes paysannes sans subir l’oppression patriarcale qui est extrêmement forte au Bangladesh. En venant en France je pensais qu’il n’y avait pas de discriminations sensibles entre hommes et femmes dans un pays développé comme la France. J’ai été vraiment surpris de découvrir qu’à travail égal, les salaires des femmes sont inférieurs de 25 % à ceux des hommes. Finalement, au Nord comme au Sud, il faut lutter et être unis pour renverser le capitalisme.
Propos recueillis par Loïc Baron et Danielle Sabai