Entretien. Militante de Izquierda anticapitalista (État espagnol), Teresa Rodriguez est devenue députée européenne de Podemos à l’occasion des dernières élections. Nous l’avons rencontrée lors de sa venue à l’Université d’été du NPA.
Comment se construit Podemos cinq mois après les élections européennes ?
La tache principale est de construire une organisation politique, avec des principes politiques, des règles de fonctionnement démocratique, qui combinent l’auto-organisation par la base et la capacité d’intégrer de très grandes masses dans son fonctionnement. On a d’un côté plus d’un millier de cercles (assemblées de base) auto-organisés, et de l’autre plus de 100 000 « adhérents » qui se sont inscrits par internet. Le défi est de créer une organisation démocratique capable de s’appuyer au même temps sur ses bases organisées, et sur la participation massive des gens par voie télématique.
C’est un processus qui aboutira mi-novembre, après un processus de deux mois qu´on a appelé « Assemblée citoyenne Nous pouvons ». Ce travail est fait en parallèle avec le début d’une intervention institutionnelle des députés au Parlement européen.
Justement, comment ce travail européen peut-il servir aux anticapitalistes ?
En premier lieu, nous devons être le haut parleur des mouvements sociaux dans les institutions. Ainsi je travaille dans la commission environnement du Parlement, en lien avec une cinquantaine de mouvements écologistes pour dénoncer les attaques contre l´environnement et soutenir ces mouvements pour obtenir des victoires. Par exemple sur les déchets toxiques dans les lacs.
De plus, en tant que député, on a accès à des informations qui permettent d’anticiper les futures attaques... et les mobilisations nécessaires. Ainsi, on a dénoncé les négociations secrètes concernant le traité transatlantique contre lequel on s’est clairement prononcé, un de nos premiers actes au parlement européen.
Le troisième aspect, c’est de dénoncer de l’intérieur une institution qui défend la finance et les banques.
Peux-tu nous parler des débats qui traversent Podemos actuellement ?
Podemos veut-il uniquement être une force gouvernementale, pour le pouvoir, ou aussi un cadre de mobilisation et de lutte ? Le débat se situe dans une tension entre l´ambition d´arriver au pouvoir par la voie électorale, en n’étant pas trop précis sur les revendications, et le besoin de préciser notre programme et ce que l’on défend. Pour une partie de la direction, le risque est que si on précise trop les choses, ça peut enlever des voix au niveau électoral.
Pour nous, il est aussi nécessaire de renforcer le pouvoir des cercles locaux pour gagner. Ce n’est pas qu’une question éthique ou démocratique. Nous sommes opposés à ceux qui pensent que la participation numérique par internet est suffisante, mais ne s’appuie pas sur la démocratie directe des cercles. Internet ne peut pas remplacer le contact physique entre les gens par lequel se construisent les solidarités et les interventions.
Quelle est l’orientation d’Izquierda anticapitalista (IA) concernant Podemos ?
Nous pensons que Podemos est l´expression politique d´un profond mécontentement du système actuel et une volonté de changement radical qui passe par l´auto-organisation et l´entrée massive des gens dans la scène politique. De ce point de vue, on défend un parti qui soit implanté dans les milieux populaires et les luttes, et qui soit un outil d´auto-organisation populaire.
IA peut apporter à Podemos une certaine expérience de notre insertion dans le mouvement social, et nous le faisons de façon très généreuse et désintéressée. Le courant politique que représente IA a encore beaucoup à apporter au sein de Podemos. De toute façon, on déterminera notre politique concernant Podemos lors de notre prochain congrès fin 2014 début 2015.
En Catalogne aura bientôt lieu un important référendum. Quelles sont les positions de Podemos concernant la question nationale, une question importante dans l’État espagnol ?
Il n’y a aucune ambiguïté à ce sujet. Podemos défend le droit à décider sur tous les thèmes : souveraineté nationale, économique, sociale... Dans ce contexte, Podemos défend le droit à l’autodétermination. C’est une position clairement exprimée par le mouvement.
En Catalogne, Podemos soutient le processus qui conduit au référendum du 9 novembre, avec une position critique vis-à-vis de CiU (fédération de partis politiques autonomistes catalans de centre-droit au pouvoir en Catalogne – NDLR) car ils défendent les coupes budgétaires et l’austérité. L’unique patrie de CiU, c’est l’argent...
La vidéo de l'intervention au meeting.
Propos recueillis par Manu Bichindaritz
Traduit par Miguel Segui