Publié le Jeudi 12 mai 2022 à 19h00.

Ukraine/Russie : les terribles conséquences économiques de la guerre

Certains s’attendent à ce que cette guerre dure des années, voire des décennies, mais cette estimation semble bien trop sombre. Ce que nous savons, en revanche, c’est que, même après deux mois, les pertes économiques de l’Ukraine et l’aide extérieure dont ce pays aura besoin pour retrouver un semblant de normalité sont considérables.

Commençons par les réfugiéEs et les personnes déplacées en Ukraine. Ensemble, ces deux groupes représentent déjà 29 % de la population totale du pays. Pour mettre cela en perspective, essayez d’imaginer 97 millions d’AméricainEs se retrouvant dans une telle situation dans les deux prochains mois.

12,8 millions de réfugiéEs et déplacéEs

Fin avril, 5,4 millions d’UkrainienEs et Ukrainiennes avaient fui le pays pour la Pologne et d’autres pays voisins. Même si beaucoup d’entre eux – les estimations varient entre plusieurs centaines de milliers et un million – ont commencé à rentrer, il n’est pas certain qu’ils puissent rester (c’est pourquoi les chiffres de l’ONU les excluent de son estimation du nombre total de réfugiéEs). Si la guerre s’aggrave et dure effectivement des années, un exode continu de réfugiéEs pourrait aboutir à un total inimaginable aujourd’hui.

Cela mettra encore plus à l’épreuve les pays qui les accueillent, notamment la Pologne, qui a déjà admis près de 3 millions d’UkrainienEs. Une évaluation estime à 30 milliards de dollars ce qu’il en coûte pour leur fournir les besoins de base. Et ce, pour une seule année. De plus, lorsque cette projection a été faite, il y avait un million de réfugiéEs de moins qu’aujourd’hui. Ajoutez à cela les 7,7 millions d’UkrainienEs qui ont quitté leur foyer mais pas le pays lui-même. Le coût de la reconstruction de toutes ces vies sera énorme.

Lorsque la guerre sera terminée et que ces 12,8 millions d’UkrainienEs déracinés commenceront à essayer de reconstruire leur vie, beaucoup découvriront que leurs immeubles et leurs maisons sont détruits ou ne sont pas habitables. Les hôpitaux et les cliniques dont ils dépendaient, les lieux où ils travaillaient, les écoles de leurs enfants, les magasins et les centres commerciaux de Kiev et d’ailleurs, où ils achetaient des produits de première nécessité, auront aussi peut-être été rasés ou gravement endommagés. L’économie ukrainienne devrait se contracter de 45 % rien que cette année, ce qui n’est guère surprenant si l’on considère que la moitié de ses entreprises ne fonctionnent pas et que, selon la Banque mondiale, les exportations par mer depuis sa côte méridionale, aujourd’hui assiégée, ont effectivement cessé. Le retour aux niveaux de production d’avant-guerre prendra au moins plusieurs années.

600 milliards de dollars pour la reconstruction ?

Environ un tiers des infrastructures ukrainiennes (ponts, routes, lignes ferroviaires, réseaux d’eau, etc.) ont déjà été endommagées ou démolies. Leur réparation ou leur reconstruction nécessitera entre 60 et 119 milliards de dollars. Le ministre ukrainien des Finances estime que si l’on ajoute les pertes de production, d’exportations et de revenus, le total des dommages causés par la guerre dépasse déjà 500 milliards de dollars. Cela représente près de quatre fois la valeur du produit intérieur brut de l’Ukraine en 2020.

Et ayez à l’esprit que ces chiffres sont au mieux des approximations. Les coûts réels seront sans aucun doute plus élevés et d’énormes sommes d’aide des organisations financières internationales et des pays occidentaux seront nécessaires dans les années à venir. Lors d’une réunion convoquée par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, le Premier ministre ukrainien a estimé que la reconstruction de son pays nécessiterait 600 milliards de dollars et qu’il a besoin de 5 milliards de dollars par mois pendant les cinq prochains mois rien que pour étayer son budget. Les deux organisations sont déjà passées à l’action. Début mars, le FMI a approuvé un prêt d’urgence de 1,4 milliard de dollars pour l’Ukraine et la Banque mondiale, 723 millions de dollars supplémentaires. Et ce n’est certainement que le début d’un flux de fonds à long terme vers l’Ukraine de la part de ces deux prêteurs, tandis que les gouvernements occidentaux et l’Union européenne fourniront sans aucun doute leurs propres prêts et subventions. 

 

Article publié sur le site Tom Dispatch, traduction rédaction À l’Encontre.