Publié le Samedi 7 mai 2011 à 09h15.

Besancenot, le facteur lassitude (Libération du 6 mai)

Après deux tentatives, le facteur ne sonnera pas une troisième fois à la porte de l’Elysée. Olivier Besancenot, a annoncé, hier, dans un courrier adressé aux militants du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) qu’il ne serait pas candidat à l’élection présidentielle de 2012. «Il s’agit d’une décision politique que j’assume», écrit le candidat en 2002 et 2007, à l’époque sous l’étiquette de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Mais si le préposé de la Poste, adepte de la bicyclette pour sa tournée de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), renonce aux projecteurs de la course pour la présidence de la République, il n’abandonne pas le combat. «Je souhaite aujourd’hui passer le relais à un(e) de nos camarades. Je revendique plutôt la possibilité, pour le NPA, de se lancer sur de nouvelles bases, conformes au projet d’émancipation qui, plus que jamais, m’anime», ajoute Olivier Besancenot dans sa lettre. «En 2007 déjà, avec Daniel Bensaïd [dirigeant de la LCR, décédé en 2010, ndlr], nous avions dû faire une folle pression sur lui pour qu’il y aille. Au départ, il ne voulait pas», se rappelle Alain Krivine, figure historique de la Ligue et lui-même candidat à la présidentielle en 1969, à 27 ans, et en 1974.

Dérive.

Dès le départ, le porte-drapeau de la gauche altermondialiste et radicale avait prévenu. Pas question pour lui de jouer les «Arlette Laguiller» - et ses six présidentielles - de la LCR. En 2004, dans un entretien à la revue Contretemps, il déclarait exclu pour lui que «la Ligue fasse avec moi ce que LO a fait avec Arlette. Je ne veux même pas imaginer que je puisse être le porte-parole de la LCR durant les trente prochaines années. Je sais que je ne le ferai pas.» Et les motivations politiques invoquées dans son courrier tiennent à son refus de la personnalisation au sein d’un mouvement qui a toujours lutté contre cette dérive. «Même si c’est vrai que nous en avons joué et que cela a été utile à la LCR et aux thèses que nous défendions. Cela a permis de nous faire entendre de millions de personnes», reconnaît Alain Krivine.

Dans Contretemps, Olivier Besancenot posait aussi la «question de l’individualisme et de la vie privée» dans un parti habitué à ne considérer que le collectif militant. Pour ce jeune père, les raisons personnelles de ne pas entrer dans une nouvelle campagne présidentielle ont certainement compté autant que son refus de participer à la starisation du NPA.

Mais cette défection à un an d’une échéance politique majeure prive le NPA de sa vitrine médiatique. En 2001, le choix de ce jeune inconnu pour porter les couleurs de la LCR avait permis à la formation trotskiste de sortir d’une longue période de vaches maigres électorales. Active dans tous les mouvements sociaux, la Ligue avait déserté le terrain des scrutins, occupé par les concurrents de Lutte ouvrière avec Arlette Laguiller. En 2002, la pasionaria de LO réalise son meilleur score à la présidentielle avec 5,7% des voix. Mais la candidature de Besancenot va très vite ringardiser celle de sa concurrente trotskiste et son fameux «travailleurs ! travailleuses !» En 2007, elle n’obtient que 1,3% des voix, son plus mauvais score alors que Besancenot améliore le sien de près de 300 000 voix par rapport à 2002.

Le retrait de l’ex-porte-parole du NPA n’est pas unanimement apprécié. «C’est évident qu’il faut préparer une transition, mais ce n’est pas à portée de cette échéance qu’il fallait le faire», déplore Gaël Quirante, membre de la direction du NPA et animateur du courant Révolutionnaire. Pour lui, «c’est une mauvaise décision de sa part pour un certain nombre de militants. Il était tout à fait possible de mener une campagne avec un candidat et plusieurs porte-parole pour préparer l’avenir». Aujourd’hui le NPA doit donc faire vite pour désigner un nouveau candidat à la présidentielle, vraisemblablement une des deux porte-parole, Myriam Martin ou Christine Poupin. Un choix qui devrait être annoncé lors du prochain conseil politique national, les 14 et 15 mai, et entériné par un conseil national fin juin. «De toute façon, cela ne va pas nous faciliter la chasse aux signatures», constate Alain Krivine. Certains n’ont pas renoncé à faire revenir Olivier Besancenot sur sa décision à grands renforts de motions émanant de divers comités locaux. «Et, s’il y a une majorité, il sera obligé de reconsidérer sa position», veut croire Gaël Quirante.

Forfait.

L’absence d’Olivier Besancenot dans la bataille de 2012 rebat les cartes à gauche. Le PS se voit débarrassé d’un concurrent qui captait un électorat beaucoup plus large que celui de l’extrême gauche. «On peut se dire positivement que cela va limiter la division de la gauche», remarque Benoît Hamon, porte-parole du PS. Le forfait de la figure emblématique du NPA pourrait aussi ouvrir un espace supplémentaire au Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon. Même si les vases ne sont pas automatiquement communicants.

Le NPA, fort des bonnes performances de son candidat dans les sondages et de sa stratégie d’autonomie vis-à-vis de tout parti qui pourrait s’allier avec le PS, n’envisageait pas une candidature unique de la gauche de la gauche. Le retrait de Besancenot contraindra-t-il les dirigeants du NPA à revoir cette position ?

Christophe Forcari