Les élections européennes marquent le retour de l’ex-candidat aux présidentielles en tête d’affiche du NPA. Au-delà du constat de division de la gauche radicale et du risque de dispersion des voix, il affirme la singularité de son parti et renvoie le Front de gauche à ses responsabilités, tout en annonçant une nouvelle séquence politique.
Il avait quitté le porte-parolat du Nouveau parti anticapitaliste en 2011 au nom de la dépersonnalisation du pouvoir politique. Devant « l’urgence sociale et politique », Olivier Besancenot revient en première ligne en se présentant aux élections européennes. « Pour revenir il faut être parti, moi je ne suis pas parti, corrige le candidat de la région Ile-de-France. J’ai jamais arrêté de militer, de rester à la direction du parti, de mouiller ma chemise médiatiquement quand il le fallait pour Philippe Poutou ». Et de rappeler que la campagne européenne est « collective », contrairement à l’élection présidentielle « qui est axée sur un individu, avec tout ce que ça peut susciter de dangereux du point de vue de ceux qui se battent pour l’émancipation ».
« Il aurait fallu négocier avec quel Front de gauche ? »
L’ex-facteur de Neuilly, aujourd’hui guichetier porte de Clignancourt, assure également que si le NPA se présente seul c’est à défaut d’avoir pu convaincre le Front de gauche de faire alliance. Début avril, le parti trotskiste avait en effet écrit une lettre au PC, au PG et à Ensemble invitant à « la constitution de listes unitaires avec toutes les forces politiques qui entendent se situer en opposition au gouvernement, à la droite et à l’extrême droite et rejettent toute forme de nationalisme ou de souverainisme ». Un appel inédit de la part de Besancenot, qui s’était toujours opposé avec Alain Krivine à toute négociation avec le Front de Gauche. La réaffirmation de cette position lors des présidentielles de 2012 avait d’ailleurs déclenché le départ de la minorité favorable au rassemblement de la gauche radicale et accéléré l’hémorragie des militants. Qu’est ce qui a changé depuis ? « À l’époque, il ne s’agissait pas d’une discussion unitaire, mais d’une pure demande de soutien à Mélenchon, souligne-t-il. Et puis le contexte a changé : les assauts du gouvernement actuel ont eu des répercussions sur le PG, dont le discours sur le PS s’est radicalisé en deux ans. On est capable de le voir. »
La proposition unitaire n’a cependant pas abouti. « Seule la composante Ensemble a fait savoir publiquement qu’elle trouvait que l’idée méritait d’être explorée », regrette l’ex-candidat à la présidentielle. Pour le PC et le PG, l’offre est arrivée beaucoup trop tard, juste au moment où ils étaient enfin sur le point de conclure un accord après des négociations particulièrement difficiles. « Mais pour s’y prendre plus tôt il aurait fallu négocier avec quel Front de gauche ? rétorque Besancenot. On sait qu’aux municipales il y avait ceux qui étaient avec le PS et ceux qui étaient contre. Il nous fallait attendre de voir quelle séquence politique sortirait des élections municipales. »
« Jonction entre la gauche sociale et la gauche politique »
Certains au Front de gauche mettent la volonté tardive de rapprochement sur le compte des difficultés financières du NPA, privé de financements publics depuis les résultats médiocres des législatives de 2012, et contraint de lancer une souscription à l’été 2013. Il n’empêche que le parti trotskiste a réussi à constituer une liste nationale, même s’il n’a eu les moyens de se présenter que dans cinq des huit circonscriptions françaises.
Résultat, les listes du NPA pourraient prendre des voix au Front de Gauche, ce qui risque d’empêcher in fine la gauche radicale d’obtenir des sièges, par exemple dans l’Ouest, où Pierre Le Ménahès se présente face à la candidate d’Ensemble Myriam Martin, accessoirement ex-porte-parole du NPA… Mais Besancenot refuse de porter cette responsabilité. Si le parti a échoué à devenir un "parti de masse", il n’en est pas moins « une organisation politique qui occupe cet espace politique qui existe en dehors du Front de gauche, un espace qui n’a pas la même représentation politique, pas le même rapport aux institutions, pas le même rapport au PS, s’agace-t-il. On ne peut pas nous demander de coller les affiches des autres et de disparaître ! En Bretagne, la candidature de Pierre Le Ménahès, syndicaliste breton s’il en est, a toute sa place et toute sa légitimité. On pourrait inverser la question : pourquoi le Front de gauche ne le soutiendrait pas ! »
Du point de vue de Besancenot, c’est le Front de gauche qui commet une erreur en « préférant regarder du côté de la gauche du PS et des Verts. Car ce n’est pas avec eux qu’on a préparé la manifestation du 12 avril et ça ne correspond pas à la radicalisation telle qu’elle va continuer d’avoir lieu ». L’ex-postier en est convaincu, « la manifestation du 12 n’était qu’une première étape, qui a produit une jonction inédite et précieuse entre une partie de la gauche sociale et de la gauche politique qui va pouvoir être réactivée ». Pour le représentant du NPA, une nouvelle séquence politique s’est ouverte depuis la nomination de Manuel Valls : « On a connu sous Ayrault des mois et des mois de manifestations de droite et d’extrême-droite fascisante et ça a pesé dans le rapport de forces politique général. Là ce, ne sont plus les mêmes qui sont dans la rue ».
Laura Raim.