Pour Olivier Besancenot, « derrière le rêve français de Hollande se cache la triste réalité de la continuité et de l’alternance ». Acien porte-parole du NPA et deux fois candidat à la présidentielle (2002 et 2007), Olivier Besancenot rompt avec sa discrétion de ces derniers mois pour soutenir Philippe Poutou, le candidat trotskiste qui stagne à 0% dans les sondages.
Nicolas Sarkozy s’apprête à se déclarer officiellement. A quel type de candidature vous attendez-vous ? Olivier Besancenot. La candidature Sarkozy est un non-événement. Sarkozy 2012 n’est pas Sarkozy 2007. Il n’y a plus aucune ambiguïté sur le thème du pouvoir d’achat, de l’emploi, etc. Avec les « lepénades » en série de Claude Guéant, l’offensive sur la TVA dite sociale, l’attaque contre les chômeurs, contre la législation du travail avec les accords de compétitivité, le doute n’est plus permis : Sarkozy est un libéral assumé qui court après les voix de l’extrême droite. Que vous inspirent les valeurs « travail, responsabilité, autorité », mises en avant dans sa campagne ? C’est le retour à l’ordre moral. Sarkozy est un cocktail de Margaret Thatcher et de Marine Le Pen. Pour remobiliser ses troupes, la droite tape notamment sur les immigrés, au risque de légitimer un peu plus les thèses du FN. Quand on regarde le chemin parcouru par l’extrême droite sur le terrain idéologique, cela fait froid dans le dos. Trop d’immigrés en France, immigration = insécurité et maintenant l’inégalité des civilisations. Le Front national marque des points parce que la droite fait sauter tous les verrous et lui ouvre un grand boulevard. Réformer l’indemnisation des chômeurs en faisant appel au peuple grâce au référendum, ça doit pourtant vous plaire, non ? Dans ce cas, pourquoi n’a-t-il pas organisé une consultation populaire sur le bouclier fiscal en son temps? Au-delà de l’outil référendaire, bon sur le principe, cette proposition est révoltante. Elle instille le poison qui consiste à opposer les chômeurs aux salariés, là où ils devraient être unis. C’est la méthode Sarkozy : dresser les uns contre les autres, les chômeurs contre les salariés, les jeunes contre les anciens, les Français contre les immigrés avec, au sommet de la pyramide, des riches qui vivent tranquilles. Pour François Hollande, « le prochain référendum, c’est l’élection présidentielle ». Êtes-vous d’accord avec cet appel ? Pour Hollande, c’est une façon d’appeler pour la énième fois au vote utile en faveur du PS, dès le premier tour, en oubliant qu’il y a en deux. Or, au-delà du référendum anti-Sarkozy qui est nécessaire, les résistances ont besoin d’une gauche 100% indépendante du PS. Car un gouvernement de la gauche libérale mènera la même politique que la droite, avec des aménagements à la marge. Derrière le « rêve français » de Hollande se cache la triste réalité de la continuité et de l’alternance. Ne pas parler une seule fois du smic ou des salaires dans un projet dit de gauche, c’est quand même hallucinant. Il prétend pourtant que son principal adversaire, c’est la finance. Comme vous… Un adversaire qui ne saurait être battu avec un couteau sans lame. Quand on veut bloquer les financiers, on s’en donne les moyens. Nous proposons de protéger toute l’activité du crédit de la voracité des marchés en réquisitionnant les banques dans un seul et unique service public. Séparer banques d’affaires et banques de dépôt sans cette proposition, comme le suggèrent les socialistes, n’empêchera pas la spéculation. Le PS laboure la mer. Les politiques libérales, même avec une pincée de social, alimentent l’austérité, retirent du pouvoir d’achat et, in fine, aggravent la crise. Un candidat qui commence par dire « je veux donner du sens à la rigueur », avant d’ajouter « mon principal adversaire, c’est la finance » n’ébranlera jamais la dictature du marché. Dans le contexte de crise, la gauche radicale n’aurait-elle donc pas eu intérêt à se rassembler ? J’avais fait une proposition de candidature unitaire issue du mouvement social au moment de la mobilisation contre la réforme des retraites. Lutte ouvrière n’a pas voulu en entendre parler. Et Jean-Luc Mélenchon n’a jamais imaginé une seule seconde qu’un(e) autre que lui-même puisse se présenter. Cette séquence est derrière nous. Aujourd’hui, Philippe Poutou est notre candidat. On se bat pour obtenir nos 500 signatures. C’est notre premier tour. Où en êtes-vous ? Nous avons passé les 400. Les partis institutionnels aimeraient que le NPA ne se présente pas. François Hollande ne peut pas dire d’un côté qu’il est prêt à réformer le système électoral et demander, de l’autre, à Martine Aubry d’adresser un courrier à ses élus en les sommant explicitement de parrainer seulement la candidature socialiste. Sur le terrain, des maires nous disent clairement qu’ils sont inquiets de ce qui pourrait leur arriver, notamment en termes de subventions éventuellement supprimées. Dans les sondages, la candidature de Philippe Poutou ne décolle pas. Le NPA ne s’est-il pas trompé de candidat ? On m’a fait les mêmes remarques en 2002. Moi aussi, on me créditait des mêmes scores jusqu’au dernier mois de la campagne. Au final, j’ai récolté 1 200 000 voix. Le seul sondage qui compte, c’est celui qui sortira des urnes. Philippe tient bon. Il avance avec sa sincérité et son authenticité. Il a du cran. N’allez-vous pas lui faire de l’ombre ? Si je n’interviens pas, on dira « il le lâche ». Si j’interviens, on dira « hop, il veut reprendre sa place ». Nous avançons au coup par coup. Je suis le facteur attitré de Philippe Poutou! Je suis sur le terrain de l’action sociale et pour organiser, là où il ne peut pas être, un maximum de réunions publiques. Vous n’avez aucun regret ? Non, je suis serein. Mon carburant n’est ni le pouvoir ni les strapontins ministériels, mais mon engouement militant. Pour ne pas qu’il s’éteigne, il fallait que je sois en paix avec moi-même en n’étant plus le porte-parole unique du NPA. Le fait de ne pas être candidat m’a permis de m’investir sur les questions internationales aux côtés des révolutions arabes et du mouvement des indignés, de la Tunisie à l’Egypte, en passant par New York et l’Espagne. C’est un bon vaccin contre le poison nationaliste qui se répand dans la classe politique française. Une façon aussi de résister à tout ce discours sur le protectionnisme et le made in France. Au final, ces politiques-là finissent toujours par distiller la peur de l’autre. Ce protectionnisme ne protège pas des licenciements, ni du racisme. Cela rapporte peut-être des voix aux élections, mais c’est dangereux. Pourriez-vous un jour envisager de revenir sur le devant de la scène politique au NPA ? Quand on aura les 500 signatures, je pourrai me dire enfin que le NPA n’est pas le parti d’Olivier Besancenot. Ce sera une première victoire.
Propos recueillis par Eric Hacquemand et Ava Djamshidi.