Face au réveil de la France réactionnaire, la gauche radicale cherche une nouvelle visibilité. Olivier Besancenot appelle à organiser une « révolte globale» en février-mars qui réunirait tous les opposants de gauche au gouvernement.
Le leader télégénique du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) avait disparu des écrans radar. Il n’a pourtant pas abandonné son mégaphone. Entre une pile de L’Anticapitaliste (l’hebdomadaire du NPA) et une autre de son nouveau livre, La conjuration des inégaux, Olivier Besancenot échangeait avec des sympathisants ce lundi 3 février à la librairie La Brèche, à Paris. “Pour l’instant, on est en train de perdre la lutte de classe”, lâche-t-il à une assistance préoccupée. C’était l’occasion de prendre le pouls d’une gauche non-gouvernementale qui, visiblement, a du plomb dans l’aile. Pourquoi est-elle subitement passée en mode furtif ?
La droite a repris la rue
Depuis des mois, la droite et l’extrême droite lui ont subtilisé le pavé. La “Manif pour tous”, la “Marche pour la vie”, le “Jour de colère” nous rappellent de manière éloquente que la rue est éminemment politique, et que la gauche n’a pas son monopole. “Les mobilisations sociales à la gauche du PS sont les grandes absentes de l’époque”, estime Omar Slaouti, militant des quartiers populaires et ex-militant au NPA. Dernières en date, la “Marche pour la révolution fiscale”, qui avait réuni en décembre dernier le Front de gauche, le NPA et Lutte ouvrière (LO), et les manifestations de solidarité pour le droit à l’IVG en Espagne, le 1er février dernier.
“Pourtant, il y a une forte attente, à un moment où les inégalités se creusent, et où la droite et l’extrême droite occupent le champ politique. Une opposition de gauche manque cruellement dans le paysage politique actuel”, poursuit le militant.
Face à ce constat, Olivier Besancenot propose d’organiser en février-mars, conjointement avec les partis de la gauche non-gouvernementale, une “initiative de révolte globale contre la politique du gouvernement qui associe tous ceux et toutes celles qui luttent contre les politiques d’austérité, sur les questions de logement, de discrimination, et d’emploi”.
“Construire une grande initiative unitaire”
La gauche non-gouvernementale, traditionnellement divisée, parviendra-t-elle à s’unir dans la rue dans une situation qu’elle estime urgente ?
“Elle finira par dépasser ses désaccords, veut croire Omar Slaouti. Dans le vent des mobilisations il peut y avoir des rapprochements qui sont souhaitables sur le terrain des luttes.”
“On ne va pas laisser la rue à la droite ultra, confirme Pierre-François Grond de la Gauche anticapitaliste (GA). Le moment est venu pour la vraie gauche de reprendre l’initiative sur le plan démocratique, social, électoral, et dans les manifestations de rue”. “Nous sommes très favorables à l’idée de construire une grande initiative unitaire, approuve Eric Coquerel, secrétaire national du Parti de gauche (PG). Mais le jour où on va décider de le faire, il faudra qu’on soit plus nombreux que la droite, ce qui demande de la concertation”, précise-t-il. “De toute façon on est condamné à y arriver si on croit un minimum à ce qu’on raconte, martèle Olivier Besancenot. L’espoir c’est que chacun soit piqué au vif par ce qu’il vient de se passer et se dise qu’il faut trouver les moyens de mettre en place ce type d’initiatives”.
Pour Eric Coquerel, si la gauche non-gouvernementale n’a pas le vent en poupe, c’est aussi parce que “François Hollande désoriente la population : un président de gauche assume presque de faire pire que celui qu’il a battu !” “Les gens sont sidérés par les positions de François Hollande, confirme Pierre-François Grond. Il a provoqué beaucoup de confusion politique. Notre responsabilité maintenant, c’est de reprendre l’initiative : on ne peut pas laisser s’installer le tête-à-tête entre Hollande et le patronat d’un côté, et l’extrême droite de l’autre. La riposte peut s’organiser à l’occasion des municipales et des européennes”.
Un nouveau souffle aux municipales ?
Les municipales apporteront-elles un nouveau souffle à la gauche anticapitaliste ? On peut en douter tant les divergences de stratégies sont flagrantes entre ses composantes. Le Parti de Gauche et le PCF se sont dernièrement tirés dans les jambes, l’un privilégiant l’autonomie par rapport au PS, l’autre l’alliance dans certains cas, le plus emblématique étant Paris. “Nous n’avons pas réussi à nous entendre sur une stratégie nationale“, convient Eric Coquerel. Avec le NPA et LO – intransigeants sur leur indépendance vis-à-vis du PS – le dialogue est à fleur de peau. Sur d’éventuelles listes communes aux municipales rassemblant le NPA, LO et le Front de Gauche, Olivier Besancenot affirme qu’“à partir du moment où on est d’accord pour construire une opposition à la gauche du gouvernement, c’est-à-dire sans se présenter avec le PS et sans diriger les villes avec le PS, il y a eu des accords unitaires et il y en aura encore”.
Alors que “la classe des riches” semble inexorablement gagner la guerre de classe, comme l’avait affirmé Warren Buffett en 2005, la gauche non-gouvernementale parviendra-t-elle à constituer un bloc unitaire combatif? Olivier Besancenot se veut optimiste et grave : “Il y a quelque chose dans ces heures-là qui nous pousse à agir ensemble. Il n’y a pas de place pour le sectarisme”.