Publié le Samedi 7 mai 2011 à 09h17.

L’ascension d’un amateur qui refuse de passer pro (Libération du 6 mai)

Quand, en juin 2001, Olivier Besancenot est désigné pour succéder à Alain Krivine et porter les couleurs de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) à la présidentielle de 2002, l’autre candidate trotskiste, Arlette Laguiller, prend soudain un coup de vieux. Avec son visage poupin et ses allures de Gavroche, le «petit facteur» qui vient de fêter ses 27 ans marque un saut générationnel.

Il a pourtant déjà derrière lui une bonne douzaine d’années d’engagement politique. Et si, modeste employé de la Poste, il distribue chaque matin en vélo le courrier dans les boîtes aux lettres d’abord à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) où il est né en 1974, puis à Neuilly-sur-Seine, il n’en est pas moins titulaire d’une licence d’histoire. Depuis 2002, Besancenot incarne à l’extrême gauche une génération militante nouvelle, à la fois héritière et en rupture avec celle issue de Mai 1968.

Meurtre.

Son engagement en politique, c’est d’abord un déclic. On est en 1988, deux ans après les manifestations étudiantes contre la loi Devaquet et la mort de Malik Oussekine. Olivier Besancenot a 14 ans. Il vit à Louviers (Eure) où ses parents sont enseignants. Survient le meurtre raciste d’un garçon de 17 ans qu’il connaissait. Il rejoint SOS Racisme puis adhère aux JCR (Jeunesses communistes révolutionnaires, le mouvement de jeunes de la LCR). «Moi, ce sont des militants de la Ligue qui m’ont tiré de mes crises d’adolescence, confiait-il en juillet 2001 à Libération.C’est la politique qui m’a donné envie de bouquiner, pas l’école.»

Sept ans plus tard, il est étudiant à Nanterre, et plus que jamais engagé dans l’action militante quand, à l’automne 1995, la rue se mobilise contre les réformes d’Alain Juppé. Il gardera un souvenir mitigé de ses années de fac. «J’ai donné dans l’activisme étudiant comme un con, confie-t-il en 2004 à la revue Contretemps.J’aimerais retourner un jour à la fac pour pouvoir me poser sur les bancs d’un amphi, aller en bibliothèque, pour étudier simplement, pour prendre du temps à moi.»

Référendum.

En 1999, il devient attaché parlementaire d’Alain Krivine, qui vient d’être élu eurodéputé sur la liste LO-LCR conduite par Arlette Laguiller. Fin 2000, il reprend son travail à la Poste où il était entré en 1997. Côté syndical, il milite à SUD-PTT. Après la présidentielle de 2002, il conduit la liste LO-LCR aux régionales de 2004 en Ile-de-France. Et s’engage à fond dans la campagne de 2005 contre le traité constitutionnel, qui se conclut la victoire du non au référendum. En 2007, il arrive derrière Sarkozy, Royal, Bayrou et Le Pen, devançant largement les cinq autres candidats de gauche et d’extrême gauche.

Quand en janvier 2009, après un an et demi de gestation, naît le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), il en devient logiquement le porte-parole, fonction qu’il abandonne juste après les cantonales de 2010. Depuis un moment déjà son rôle sur le devant de la scène commençait à lui peser. En 2008, il confiait à l’Express qu’il n’avait «pas suffisamment anticipé les risques de personnalisation».

Au-delà de son engagement «révolutionnaire» et «anticapitaliste», l’originalité d’Olivier Besancenot dans le paysage politique est d’abord ce refus d’entrer dans un système qu’il combat depuis son adolescence. «Le rêve a toujours été une motivation essentielle des grands mouvements, écrit-il dans son livre Tout est à nous !, publié en 2002. Entre l’armée des rêveurs zapatistes et les contingents d’énarques libéraux, j’ai choisi mon camp.» Et à 37 ans, avec une compagne, directrice littéraire dans une maison d’édition, et un garçon de 8 ans, le facteur de Neuilly a désormais envie de rêver son action politique plus loin des feux des projecteurs.

François Wenz Dumas