Article Le Monde du 21 octobre.
Il y aura une suite. "C'est le premier procès Besancenot, a lancé Me Antoine Comte. Et croyez bien qu'on sera là..." Ainsi a conclu, au terme de sa plaidoirie, l'avocat du porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), Olivier Besancenot, devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, où se tenait, lundi 20 octobre, le procès de son client poursuivi en diffamation par la société SMP Technologies, distributeur français exclusif des pistolets à impulsion électrique.
Après Taser versus Besancenot, voici donc Besancenot versus Taser. Mardi, ses conseils devaient formaliser la plainte contre X... que le leader de la LCR avait déposé suite à l'espionnage dont il a été victime et se constituer partie civile. Soupçonné d'être le commanditaire d'un rapport réalisé par une officine privée sur M. Besancenot et sa famille, le patron de Taser France a été mis en examen le 16 octobre.
Une situation pas très confortable pour le plaignant. "J'aurais aimé avoir M. di Zazzo en face malgré les basses manoeuvres et les lâches intimidations", a relevé le porte-parole de la LCR, qui était également défendu par le député Vert et avocat, Noël Mamère. Mais lundi, le patron de Taser France n'est pas venu. Son avocate, Catherine Hennequin, est restée seule, stoïque. "Moi, je plaide", disait-elle au milieu de la foule et des nombreux journalistes.
La porte-parole de Lutte ouvrière, Arlette Laguiller, a passé une tête dans la salle comble. Figure historique de la LCR, Alain Krivine est resté de bout en bout. Un peu plus loin, Antoine Gaillard, secrétaire général de Raid-H, réseau d'alerte et d'intervention pour les droits de l'homme, suivait attentivement les débats. Son association a elle aussi été assignée en justice par Taser France, devant la même chambre, et la décision devrait être rendue le 27 octobre.
Poursuivi pour avoir déclaré en 2007 sur son blog que le Taser "aurait probablement déjà fait taire plus de 150 personnes aux Etats-Unis", Olivier Besancenot, en pull noir et jean, n'a pas fait marche arrière : "J'assume complètement ces propos", a-t-il affirmé à la barre. Sommé de fournir les preuves de ses déclarations, il a dénoncé la "tradition de Taser" : "Quand on distillait les noms, la société aux Etats-Unis allait voir les familles pour leur proposer des indemnités de dédommagement", a-t-il souligné, en citant le chiffre de 6 millions de dollars pour l'une d'entre elles.
Les deux parties ont confronté leurs témoins. Dans le camp Besancenot, Benoît Muracciole, d'Amnesty International France, a porté à 290 "cas" le nombre de décès aux Etats-Unis après l'emploi d'un Taser. Dans le camp du distributeur français qui revendique des armes non létales, deux médecins ont plaidé sur sa non dangerosité. D'une voix à peine audible, le docteur Roland Scharbach s'est exprimé en coulant des regards inquiets vers Me Hennequin. Plus offensif, le docteur Gérald Kierzek, urgentiste à l'Hôtel-Dieu, a fini par agacer l'auditoire en citant jusqu'à saturation "la littérature scientifique" qui n'a pas permis, a-t-il souligné, de mettre en évidence un effet cardiaque du Taser. "Et un coup de bazooka...", a grogné sur son banc Me Comte. "Vous auriez été urgentiste au moment de la mort de Malik Oussekine, vous auriez conclu à sa mort naturelle ?", a lancé au médecin, Me Mamère.
La partie adverse avait fait le choix de dénoncer " un débat exclusivement politique". "Monsieur Besancenot, comme les opposants au Taser, vous faites finalement l'apologie des armes à feu, l'a apostrophé Me Hennequin. D'ailleurs, tout mouvement révolutionnaire a toujours procédé par les armes". "Jean-Marc Rouillan ne s'y est pas trompé, a-t-elle avancé, quand il a voulu tuer Georges Besse, il a pris une arme de gros calibre." L'avocate de Taser France a alors conclu par un vibrant mais curieux : "le XXIe siècle sera non létal ou ne sera pas".
Jugement le 24 novembre.
Isabelle Mandraud