Philippe Poutou était à Avignon et Martigues, mercredi et jeudi, pour faire la promotion du documentaire « Il nous reste la colère », dans lequel le triple candidat NPA à la présidentielle joue. L’occasion d’évoquer le climat social actuel.
La Marseillaise : Que vous inspire la privatisation d’un bailleur social public, comme ici à Avignon ?
Philippe Poutou : C’est l’illustration de tout ce qui se passe aujourd’hui avec l’ultra libéralisme et la logique de privatisation. Cela va forcément aggraver les conditions de vie et les logements des populations les plus modestes et précaires. On sait comment marche la loi du promoteur privé, il n’y a aucun scrupule, on entre dans la gentrification. Le capital s’en fout que les loyers augmentent, il y aura toujours du monde pour payer. Par contre, pour le milieu populaire, ça va être des expulsions.
Face aux grèves, le gouvernement réquisitionne et cherche à diviser la population. Comment réagir ? Quelles alternatives ?
P.P. : Le pouvoir a plein de stratégies. D’abord, de convaincre les gens qu’il n’y a pas d’autres solutions que celles mises en place. Cela instaure un climat de fatalisme. Quand il y a des résistances, elles sont fracassées et on joue la division. D’habitude, ce sont les cheminots les privilégiés. Là, c’est les raffineurs, on dit ils sont super bien payés pour essayer de désolidariser les populations. Cela relève d’une vraie stratégie qu’on voit en permanence. Face à cela, il faut redonner un peu de confiance et de détermination, défendre la confrontation face au système. C’est pour ça qu’on parle, nous de réquisitions, d’expropriations. La répartition des richesses, ce n’est pas juste une question de salaires, certes justifiée, mais le problème, c’est qu’on va toujours courir après le salaire à retardement. La perspective, c’est dire, qu’à un moment donné, il va falloir prendre tout ce qu’on nous a volé. Cela passera par la réappropriation et socialiser l’énergie, les transports, le logement, la santé, l’éducation... tous les secteurs fondamentaux pour la vie des gens. C’est une bataille politique de fond.
Comment catalyser cette colère alors qu’on sent, malgré tout, un fatalisme dans la société ?
P.P. : On ne sait pas faire pour le moment : le mouvement social est fragmenté, le mouvement politique et syndical est divisé. Certes le pouvoir divise, mais on se divise aussi nous-mêmes, on est victimes du côté boutiquier. Comment on combat cela ? Mine de rien, avec la Nupes, il y a eu cette conscience à se coordonner, créer du lien et se battre ensemble. Mais cela ne suffit pas. Il faut savoir quelle politique défendre dans cette unité et discuter du combat de classes, du combat social. On est sur la dénonciation d’un système, pour ça il faut discuter d’expropriation, de la réappropriation publique d’une partie de l’économie. C’est une perspective incontournable. La seule chose qui peut empêcher le privé de continuer de nuire, c’est la révolte, les mobilisations sociales, les grèves. On a besoin d’une gauche qui explique cela, pas qui dise juste votez pour moi.