Chaque semaine, nous interrogeons une personnalité sur son rapport au web. L’ancien candidat à l’élection présidentielle, membre de la direction du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Olivier Besancenot, nous livre ses considérations sur cet outil qu’il considère encore avec circonspection.
“Révolution 2.0”, manif en ligne, agit-prop numérique… Depuis de nombreuses années, les prophètes de la “révolution internet” n’en finissent plus de louer les capacités de cet outil pour mobiliser les masses et organiser des actions politiques. Du mouvement des Indignés en Espagne à Occupy Wall Street aux Etats-Unis, en passant par la révolution tunisienne, les réseaux sociaux ont en effet occupé une place prépondérante dans la vague de mouvements sociaux du début des années 2010.
Olivier Besancenot, membre de la direction du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), a observé de près ces soulèvements contemporains. Mais il a toujours privilégié le tractage à l’ancienne et les discours au porte-voix, aux agitations virtuelles. A l’occasion de la sortie de son livre, Le Véritable coût du capital (éd. Autrement), nous l’avons interrogé sur son rapport à internet.
Depuis peu, tu relayes personnellement sur ton compte Twitter des “paroles de guichet” entendues au bureau de La Poste où tu travailles, et des photos des luttes auxquelles tu participes. Pourquoi ?
Olivier Besancenot – Tout simplement parce que je sais désormais utiliser Twitter ! (rires) Avant ce n’était pas moi qui m’en occupais, puis on m’appris. Je me suis dit : pourquoi pas !
A 6 h avec les collègues de mon ancien bureau de La Poste de Neuilly en grève à plus de 75% contre la réorganisation. pic.twitter.com/HZ5mWtP2kc
— Olivier Besancenot (@olbesancenot) 22 Septembre 2015
Au guichet j’entends plein de trucs, souvent drôles – mais pas seulement. Je n’arrive même pas à tout retranscrire. Ce matin par exemple j’étais aux instances, et sur les quinze premières lettres recommandées, j’ai vu une personne s’effondrer parce que c’était une fin de période d’essai, et une autre qui était convoquée pour un entretien préalable au licenciement. Au lendemain de l’émission Des paroles et des actes avec Manuel Valls [où le Premier ministre a réagi aux mauvais chiffres du chômage, ndlr], tu te dis : voilà, ça fait deux chômeurs de plus…
Déjà 2 lettres retirées au guichet : 1 fin de période d'essai + 1 entretien préalable licenciement. 2 chômeurs de + pic.twitter.com/nMIEpc2Trs
— Olivier Besancenot (@olbesancenot) 25 Septembre 2015
Tu retranscris donc sur Twitter les scènes dont tu es parfois le témoin depuis ton guichet, et qui sont en lien avec le monde du travail ?
Oui, j’ai un retour en live de ce qui se passe dans la société – du moins en partie –, mais aussi de ce que les gens pensent de nous, pour le meilleur comme pour le pire. Ça a d’ailleurs commencé par une barre de rire. Une personne en avait marre d’attendre dans la file d’attente de mon guichet, et a lâché devant tout le monde : “Pour parler il parle bien, mais pour bosser c’est pas la même !”. (rires)
Paroles du Guichet : " Si seulement olivier pouvait bosser aussi vite qu'il parle, ça avancerait plus vite !" DR pic.twitter.com/lrm3q9F70s
— Olivier Besancenot (@olbesancenot) 3 Septembre 2015
Tu as pris goût à ce réseau social ?
(Il fait la moue) Moi je suis un mec à l’ancienne, et je reste un mec à l’ancienne. Je n’ai jamais eu de théories sur l’usage des réseaux sociaux dans la lutte politique et sociale. Je pense qu’ils peuvent être un support extraordinaire, comme ils peuvent être un piège extraordinaire.
Je ne vais pas jouer le postmoderniste : tous ceux qui me connaissent savent que je ne suis vraiment pas hyper-connecté. Je tweete et je snappe, c’est tout. Tout le monde se fout de ma gueule en me disant que j’ai basculé dans le XXIe siècle. (rires) Mais je sais qu’autour de moi dans les quartiers ça a de l’importance. Des amis m’ont prouvé qu’ils faisaient du gros boulot grâce aux réseaux sociaux.
Pour des mobilisations ?
Oui, et pour faire circuler l’info aussi. Des connexions, des réseaux de quartier se forment. Mon pote Almamy Kanouté par exemple est très branché réseaux sociaux. Les antifa aussi. Ce qui est évident – parce que je l’ai vu en live – c’est que le mouvement des Indignés les a beaucoup utilisés.
Tu es allé sur place ?
Oui, je suis allé sur les places en Grèce et en Espagne, et aussi à New York pour le mouvement Occupy.
Et tu as constaté que les militants utilisaient internet ?
J’ai constaté que j’étais en noir et blanc, et que j’avais de grandes toiles d’araignée sous les bras, oui ! (rires) Même pendant les révolutions arabes d’ailleurs, je savais qu’internet pouvait être utile. Les zapatistes lançaient déjà tous leurs appels sur internet. Je n’ai pas envie de me tenir particulièrement à la page à ce niveau-là, mais en même temps, il faut utiliser tout ce qui peut permettre de tisser du lien, du “liénage” comme disent les Antillais.
Est-ce aussi un moyen pour toi d’accéder à des médias alternatifs, qui font entendre une voix dissonante par rapport à l’air du temps ?
Oui. Je vais sur des sites comme Ballast, Médiapart, Bellaciao, des trucs divers et variés. On m’envoie des vidéos aussi.
Tu penses faire d’internet un outil de propagation de tes idées ? Une vidéo de toi t’opposant à l’expulsion des migrants a été assez virale…
Je n’ai pas de stratégie à ce sujet. Je sais que ça a un impact. Mais je ne vais pas jouer de rôle, faire semblant, ce n’est pas mon genre. Je sais que ça a une place importante, mais je vais y aller step by step. J’ai quitté le Minitel, je suis sur Twitter, c’est déjà ça. (rires)
Personnellement comment utilises-tu internet ?
Je ne suis pas un geek, mais il m’arrive d’écouter un peu de son sur internet, de regarder des clips sur YouTube. Au niveau du rap, il y a des gars du quartier qui ne passent que sur internet au début, avant de sortir un disque. La Scred Connexion par exemple a un site pas mal. Même 18 Grammes, un mec du quartier. Ils m’invitent à aller voir, j’y vais, mais il faut me guider.