Au lendemain des européennes et à la veille du conseil politique national, le parti d’Olivier Besancenot devra reprendre le débat sur la question de l’unité.
Ils ont eu très peur puis se sont rassurés avec 4,98 % des voix. Olivier Besancenot et ses camarades de la direction du NPA ont émis un soupir de soulagement à l’annonce du résultat de leur parti aux élections européennes. Avec ce score « en demi-teinte », selon l’expression de Jérôme Fourquet, directeur adjoint du département opinion de l’IFOP, ils espèrent toujours être en mesure de justifier leur décision de partir en solo au scrutin du 7 juin 2009. Mais ils savent leur stratégie ébranlée au sein même de l’organisation.
Le débat entamé au congrès fondateur, en février dernier, risque de s’exacerber au vu justement de ce score, certes « assez satisfaisant », selon Pierre-François Grond, l’un des dirigeants, mais nettement inférieur aux 9 % initialement promis, en début d’année, par les enquêtes d’opinion. « Olivier Besancenot avait plus de 50 % de bonnes opinions. Le contexte social et économique était assez porteur. Il existait un faisceau d’indicateurs qui laissait à penser que le Nouveau Parti anticapitaliste pouvait atteindre un pourcentage élevé », fait valoir Jérôme Fourquet.
Une formation autocentrée
Alors ils y ont cru, d’autant plus fortement que leur porte-parole était présenté par les sondages comme le principal opposant à Nicolas Sarkozy, le leader de gauche le plus populaire. « On peut réussir l’adéquation Olivier Besancenot = NPA ; NPA = Olivier Besancenot », jubilait Pierre-François Grond fin mars. Aujourd’hui, il se félicite de ne pas l’avoir cantonné à l’Île-de-France, d’en avoir fait « le porte-parole de toutes les têtes de liste », estimant que l’équation a fonctionné. Propos nuancés par Jérôme Fourquet : « Quel que soit l’endroit en France, les électeurs qui ont voté NPA l’ont fait parce que ce parti est incarné par Olivier Besancenot. »
Jouant de sa personnalité, le charismatique facteur s’est assigné un rôle majeur pour consolider son organisation, dont la fragilité contraste, depuis sa création, avec la notoriété du leader. Il fallait coûte que coûte conforter la jeune formation, asseoir son leadership à l’intérieur de « la gauche radicale », la faire apparaître comme « le pôle le plus efficace et le plus conséquent », selon les termes du politologue Serge Cosseron, dans le cadre de la recomposition politique qui s’opère à gauche.
Ils y ont cru. Mais ils ont commencé à déchanter quelques semaines avant la tenue des élections, au fil des sondages donnant le NPA derrière le Front de gauche. « Au départ, ils n’ont pas pris au sérieux la concurrence que pouvait exercer cette coalition, analyse Jérôme Fourquet. C’est aussi pour cette raison qu’ils ont refusé la main tendue par le Front de gauche. Sûrs d’engranger les bénéfices de la bonne image et de la popularité d’Olivier Besancenot, arrivé en tête des autres candidats à la gauche du PS au scrutin présidentiel de 2007, ils se sont sentis hégémoniques. Ils ont pensé pouvoir s’imposer par eux-mêmes. »
Autocentrée sur son appareil, la formation d’extrême gauche a mésestimé l’aspiration à l’unité exprimée par les électeurs de gauche, particulièrement dans les milieux militants. « L’unité, explique le responsable de l’IFOP, est une question centrale. Le Front de gauche a réussi à faire porter au NPA la responsabilité, réelle, du refus de la main tendue. »
La stratégie d’Olivier Besancenot et de ses amis de la direction passera d’autant moins au sein du parti qu’ils ont perdu leur pari de figurer en tête de la gauche alternative. Yann Cochin, animateur du courant « convergences et alternatives », regrette profondément que le NPA ait « manqué une occasion de faire apparaître une alternative ». Membre du comité exécutif, ce militant expérimenté du syndicat Sud Énergie ne décolère pas : « Avec le total des voix du Front de gauche, du NPA et de LO, on atteint 13 %. Mais la division en plusieurs listes concurrentes a freiné la dynamique électorale qui aurait pu polariser le débat sur les alternatives sociales et politiques, alors que le système capitaliste connaît une crise majeure. » Nouvel adhérent à une formation politique, Yann Cochin avait, au congrès fondateur, défendu bec et ongles la participation du NPA au Front de gauche. Il reprend aujourd’hui son bâton de pèlerin pour convaincre ses camarades, réunis ce wend-end en conseil politique national, du bien-fondé d’une démarche unitaire. « Les électeurs de la gauche de gauche ont fait savoir qu’une unité même imparfaite était préférable à l’auto-affirmation solitaire d’un parti, aussi populaire soit-il dans ses propositions », écrit son courant dans un contre-rapport.
Résultats homogènes
Cependant, la critique de Yann Cochin sur la stratégie développée depuis sa création ne l’empêche pas de constater que « le NPA est maintenant installé dans le champ politique ». Il a rejoint l’organisation d’extrême gauche car il estime que cette composante doit exister « fortement » pour peser, aussi, dans d’éventuelles alliances avec « la gauche de gauche ». Les élections européennes montrent que le NPA connaît « un processus de consolidation, note Jérôme Fourquet. Contrairement au Front de gauche, il est présent, à hauteur de 5 %, quasiment dans l’ensemble du territoire national. Ses résultats sont beaucoup moins hétérogènes ». À l’exception de l’Île-de-France, où elle réalise 3,48 %, et de la circonscription Sud-Est (4,33 %), l’organisation d’Olivier Besancenot obtient plus de 5 % des voix partout ailleurs. Dans la région Est, Yvan Zimmermann les dépasse, avec 5,65 %. Mais c’est dans le Nord-Ouest que le NPA recueille son meilleur score, avec 5,80 %, sa candidate Christine Poupin frôlant l’élection. Pour le politologue (1) Christophe Bourseiller, « ce vote traduit une certaine "prolétarisation" de l’extrême gauche. En infléchissant son discours dans une direction qui l’a rapproché de Lutte ouvrière, Olivier Besancenot a perdu une partie des "bobos" et a, en revanche, accru son influence dans les couches populaires ».
En dépit du résultat mitigé, la direction ne semble pas décidée à changer de stratégie. Les européennes, du fait de la nature du scrutin et du fort taux d’abstention, ne peuvent constituer, pour elle, un test suffisamment éclairant sur le rapport de forces au sein de la « gauche radicale ». Certes, secouée par son score, elle ne quitte pourtant pas des yeux l’échéance « suprême » qu’est la présidentielle de 2012. « Le NPA a peut-être été un peu présomptueux en espérant opérer d’emblée une forte percée. Mais son objectif demeure l’implosion du paysage politique et sa recomposition », analyse Christophe Bourseiller. Or, le résultat des européennes percute justement cette stratégie. La direction ne peut évacuer cette question, au risque de heurter toute une frange des adhérents, qui désirent changer de braquet. Elle devra y regarder à deux fois avant d’opposer un « niet » à des alliances au sein de la gauche alternative, en vue notamment des régionales de 2010.
(1) Auteur d’À gauche, toute ! Éditions du CNRS, 18 euros.
Mina Kaci