Paris, le 18 mars, 2014
Nous faisons partis de milliers d’égyptiens qui ont quitté l’Egypte pour fuir la dictature du régime de Moubarak et pour retrouver une vie digne respectueuse de l’être humain. Nous étions obligés de prendre le risque d’immigrer en France de manière illégale afin d’y trouver une vie meilleure.
Et puis la révolution égyptienne a éclaté, au lieu de continuer de vivre clandestinement, nous sommes sortis de l’ombre et nous avons pris le risque de manifester contre Moubarak afin d’en finir avec sa dictature et afin de soutenir nos concitoyens qui risquait la mort partout en Égypte. Notre engagement politique pour une nouvelle Égypte démocratique, juste et respectueuse des droits de l’homme n’a pas cessé un jour depuis la chute de Moubarak. Nous avons manifesté contre le conseil suprême des forces armées quand il était au pouvoir, nous avons manifesté contre Morsi pour l’empêcher d’instaurer le fascisme religieux, et actuellement nous sommes opposés aux généraux de l’armée qui reviennent sur le devant de la scène politique pour verrouiller le pays.
Le 28 Janvier dernier, date clé dans la révolution égyptienne, nous étions une petite dizaine à avoir décidé d’aller devant le bureau militaire égyptien à Paris pour manifester contre le régime actuel. Nous avons demandé aux services d’ordre qui protège le bureau militaire de scander quelques slogans. Les policiers sur place nous ont permis de rester quelques minutes devant le bureau pour exprimer notre mécontentement contre la gestion du pays par le régime en place. Nous pensons que les policiers nous ont laissé manifester pour deux raisons simples : la première c’est que nous n’étions pas nombreux, une dizaine de personnes. La deuxième, c’est que pendant les trois dernières années nos visages leurs sont devenus familiers, ces hommes savent que nous ne sommes, ni violents, ni des casseurs et que nos rassemblements n’ont jamais étés problématiques. Quelques minutes après, nous avons quitté les lieux en respectant l’accord passé avec le service de l’ordre. Sur le chemin du départ les policiers ont reçu un appel de la préfecture exigeant qu’ils fassent un contrôle de pièces d’identité. Suite à ce contrôle nous sommes tous partis au poste de la police, quelques-uns ont été libérés au bout de seize heures et d’autres ont été renvoyés devant le juge des libertés. Finalement, le juge nous a libérés après nous avoir donné un « OQTF[i] » pour quitter le sol français et repartir en Égypte.
Mais dans les circonstances politiques actuelles, notre retour signifie l’emprisonnement ou la torture ou la disparition. Les autorités égyptiennes présentent les opposants dont nous faisons partis comme des traîtres, une menace pour la cohésion nationale et comme un danger pour la sécurité nationale. La situation en Egypte est devenue de plus en plus critique en ce qui concerne les violations des droits de l'homme et la répression des opposants (nous vous invitons à consulter les rapports de Human Rights Watch et Amnesty International). Au cours des huit derniers mois, les forces de sécurité utilisent une force meurtrière excessive contre les manifestants et les autorités arrêtent ou harcèlent les journalistes, les manifestants pacifiques, et d'autres citoyens pour l'exercice des droits à la liberté d'expression et de rassemblement pacifique. Les rapports montrent que la torture et les décès dus à la torture sont fréquents dans les commissariats et les prisons.
C’est pour cela et par ce communiqué de presse, nous alertons l'opinion publique et les autorités en France sur la gravité des conséquences de notre expulsion en Egypte.
Afin de coordonner nos actions pour tenter d’annuler l’«OQTF», un comité de soutien, composé d'organisations de défense des Droits Humains, d'associations de l'immigration, de syndicats et de partis politiques[ii] a tenu sa première réunion publique le 14 Mars 2014, à la Bourse de travail de Paris.
Il organise le 28 mars à 19h un meeting à la Bourse du travail 4 rue du Château d’eau Paris 10ème.
Si vous êtes intéressés, si vous pouvez aider ou conseiller ou si vous pouvez faire circuler ce communiqué, merci d’avance. Nous comptons sur vous.
[i] OQTF - Obligation de quitter le territoire français
[ii] Premières signatures , CEDETIM, IPAM, Inter-Collectif de solidarité avec les luttes des peuples dans le monde arabe (Inter-Co), SNESUP-FSU, ENSEMBLE (Les Alternatifs, FASE, Réseau Gauche unitaire, Gauche anticapitaliste), NPA, Europe Écologie Les Verts (EÉLV), Parti de Gauche, Solidaires.