Ce mercredi 15 mars, la cour d’appel du Luxembourg a condamné les lanceurs d’alerte de Luxleaks : Antoine Deltour à 6 mois de prison avec sursis et à 1500 euros d’amende ; Raphaël Halet à 1000 euros d’amende. Certes leurs peines ont été allégées mais ils restent condamnés pour avoir agi dans l’intérêt général en révélant l’évasion fiscale à grande échelle pratiquée par des multinationales via le Luxembourg.
Cette condamnation est scandaleuse. Les lanceurs d’alerte ne sont pas des criminels. Au contraire, ils doivent être protégés et soutenus. En revanche, les fraudeurs fiscaux, eux, doivent être condamnés.
Cette condamnation prouve une nouvelle fois que la lutte contre la fraude fiscale est loin d’être une priorité pour les différents Etats qui ne prennent que des mesures homéopathiques.
En France, par exemple, les services de contrôle sont totalement insuffisants; il manque 10 000 emplois de contrôle. Les multiples instruments de dissimulation utilisés par les banques et les grandes entreprises ne sont pas vraiment combattus sous prétexte de secrets des affaires ou de respect de la vie privée. Quand le gouvernement se décide à faire quelque chose (de limité), c’est le Conseil constitutionnel qui bloque. De plus, il y un traitement exorbitant des infractions fiscales : l’initiative des poursuites est réservée au ministère des finances (c’est ce qu’on appelle le « verrou de Bercy ») dont les membres de la hiérarchie multiplient de plus en plus les aller-retour avec de grandes entreprises ou banques, acteurs de la fraude. Ainsi, il y a quelques années, le milliardaire François Pinault a réglé ses affaires de succession avec Bercy moyennant une somme faible par rapport à ce qu’il aurait dû payer : le directeur de cabinet du ministre se nommait alors Bruno Cremel, ancien cadre dirigeant du groupe Pinault et qui y est ensuite retourné. Il faut que la justice arrête le « deux poids-deux mesures » qui punit plus le voleur de motos que celui qui détourne des millions (et ses complices).
Pour lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscale, il faudrait mettre réellement fin au secret bancaire et interdire de réaliser toute transaction avec un paradis fiscal. Le non-respect de cette interdiction devrait être assorti de sanctions très lourdes, allant jusqu’au retrait de la licence bancaire et au paiement de lourdes amendes.
Mais au-delà, il y a nécessité de socialiser le secteur bancaire. Sans cela, la lutte contre la fraude fiscale n’est pour l’essentiel que du vent... Pour lutter vraiment contre elle, il faut s’affronter aux privilégiés et ne pas faire confiance aux institutions et dirigeants politiques de la bourgeoisie.
Bordeaux, le 16 mars 2017