Cela ne fait plus mystère pour personne : le gouvernement est en très mauvaise posture. Le mouvement de la jeunesse et des travailleurs/ses contre la loi El Khomri permet à des centaines de milliers de personnes d’exprimer une colère accumulée depuis 2012, contre un pouvoir politique qui ne cherche même plus à dissimuler qu’il est intégralement au service du grand patronat. Ce faisant, la mobilisation a accentué les divisions au sein du Parti socialiste et dissipé en bonne partie les illusions du « dialogue social ».
La vidéo d’un policier frappant d’un violent coup de poing en plein visage un lycéen, maintenu par d’autres policiers, n’a fait que rendre visible pour des millions de personnes ce que connaissent les lycéen-ne-s mobilisé-e-s depuis plus d’un mois et ce que savent d’expérience les habitant-e-s des quartiers populaires : la police a pour fonction primordiale de réprimer tou-te-s ceux et celles qui se révoltent et, dans l’accomplissement de cette fonction, elle agit de la manière la plus violente et arbitraire, en particulier contre les jeunes issus de l’immigration postcoloniale.
Mais la réponse du gouvernement à ce vent de fronde, ce n’est pas seulement la répression policière et sa dimension raciste. Un autre aspect du racisme d’Etat s’est manifesté dans les propos tenus lors des deux dernières semaines par le Premier ministre Manuel Valls et la Ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes, Laurence Rossignol. Dans les deux cas, il s’agissait de stigmatiser une fois encore les musulman-e-s, en les présentant comme une menace pour ce qu’ils nomment la « République » et le « vivre-ensemble ».
La chanson est malheureusement trop connue depuis une quinzaine d’années : pour détourner l'attention de sa politique antisociale, le gouvernement prend appui sur les discriminations systématiques qui traversent la société et agite le foulard islamique, en en faisant le signe incontestable d’un danger « islamiste » voire « terroriste ». Mais Laurence Rossignol est allée plus loin dans l’obscénité raciste, en comparant les femmes voilées à « des nègres américains qui étaient pour l’esclavage ». Elle réussit ainsi le tour de force de joindre l’islamophobie à la négrophobie.
L’usage du mot « nègre » est évidemment inacceptable, et il révèle s’il le fallait l’emprise persistante de l’inconscient colonial et raciste dans la classe dirigeante française. Mais affirmer que des esclaves étaient favorables à l’oppression qu’ils subissaient, c’est nier la responsabilité des puissances occidentales, en particulier la France, dans ce crime contre l’humanité qu’ont constitué l’esclavage et la traite des Noirs, mais c’est aussi occulter la multitude des résistances et des révoltes de la part des esclaves. A l'occasion de ce genre de déclaration, comment ne pas voir qu'un gouvernement qui lutte contre les libertés des femmes voilées sous prétexte de les libérer, se fait l'héritier de ceux qui ont entretenu l'esclavage et la colonisation ?
Le NPA condamne ces propos, appelle à la démission de Laurence Rossignol et soutient les associations antiracistes qui ont porté plainte pour « injure publique à caractère racial ». Ses propos, ainsi que ceux de Manuel Valls, ne sont pas seulement consternants. Ils mettent en pleine lumière l’agenda du gouvernement, exprimé clairement par Manuel Valls : « Bien sûr, il y a l'économie et le chômage, mais l'essentiel, c'est la bataille culturelle et identitaire ». Face à cette politique qui vise à unir ceux qui devraient être divisés et à diviser ceux qui devraient être unis, nous mettrons toutes nos forces pour amplifier la mobilisation contre la loi Valls/El Khomri et pour la lier au combat contre le racisme d’Etat, plus que jamais nécessaire. Ce lien ne se fera pas tout seul : il n'est possible que par l'auto-organisation de celles et ceux qui subissent le racisme, et son respect par l'ensemble du mouvement.
Montreuil, le 11 avril 2016