Publié le Mercredi 9 novembre 2011 à 22h43.

Divisé, le NPA fait face à l'échec de son projet politique (Le Monde du 10 novembre)

C'est l'histoire d'un parti qui a explosé en vol. Un candidat inconnu du grand public qui ne fait pas l'unanimité au sein du parti, des désaccords stratégiques majeurs, une hémorragie d'adhérents : près de trois ans après sa création, en février 2009, le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) n'en finit pas de s'enfoncer dans la crise.

Dernier exemple en date : la création d'un courant, emmené par d'anciens proches d'Olivier Besancenot, sur une ligne opposée à celle de la direction. Quand cette dernière refuse de discuter avec le Front de gauche, la minorité souhaite rencontrer le reste de la gauche radicale.

Le but : "ne pas se contenter de la situation actuelle", souligne Guillaume Floris, un des représentants de ce courant, et préparer l'après-2012 en cas de victoire "d'un gouvernement social-libéral", autrement dit du PS.  

"On n'a pas une chouette gueule, mais on fera mieux demain", reconnaît, philosophe, Philippe Poutou, le candidat du parti, ouvrier métallurgiste de 44 ans et ancien de Lutte ouvrière, qui stagne à 0,5 % des intentions de vote. Loin de l'enthousiasme qui régnait à la création du NPA.

"DE L'OR ENTRE LES MAINS"

Le parti ambitionne alors de tourner la page de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) pour devenir un parti de masse, qui rassemble la gauche anticapitaliste. Et qui surfe sur la popularité de son candidat d'alors, Olivier Besancenot, 4,08 % des voix en 2007. Le jeune facteur est de toutes les mobilisations, sur toutes les télés. Enseignants, associatifs, jeunes salariés, chômeurs viennent grossir les rangs du nouveau parti qui revendiquera jusqu'à 9 000 adhérents.

"On se disait qu'on allait changer le monde, qu'on avait de l'or entre les mains, se souvient Leila Chaibi, qui a rejoint le NPA à sa fondation avant de se tourner vers le Parti de gauche. Je n'étais pas venue pour faire des scores de groupuscules mais j'ai vite eu l'impression qu'on nous prenait pour des cons."

Les premières difficultés apparaissent aux élections européennes de juin 2009, sur une question qui restera une ligne de fracture, celle de l'unité avec le reste de la gauche radicale. Les discussions achoppent sur l'indépendance vis-à-vis du PS. Le NPA part seul, récolte 4,9 % des voix et aucun élu. "On a sous-estimé l'aspiration unitaire, souligne un cadre des minoritaires. On a été un peu arrogants en pensant qu'entre nous et le PS, il ne restait plus grand-chose et que ce n'était pas la peine de faire beaucoup d'efforts pour continuer à élargir la structure. Ça a contribué à nous isoler."

Isolationniste et sectaire, ce sont les reproches adressés aujourd'hui par les minoritaires à la direction, en partie issue de petits courants révolutionnaires, comme ceux venus de Lutte ouvrière. "Isolés de quoi ? se justifie Alain Krivine, ancien candidat de la LCR à la présidentielle. Nous sommes totalement unitaires dans les luttes. Débattre avec le Front de gauche oui, aller ensemble aux élections non." Lassés d'attendre l'ouverture, les militants ont fini par déserter.

Trois ans après sa création, le NPA a perdu la moitié de ses effectifs. "La LCR était une organisation ouverte qui s'intéressait à tout ce qui se passait à gauche, note Christian Picquet, ancien du NPA passé au Front de gauche. Tout ça a été bradé pour créer une formation hétéroclite dont le seul ciment était la personnalité de Besancenot." La nom de l'ancien candidat à la présidentielle reste profondément attaché à celui du NPA.

"GÂCHIS"

Après le débat fratricide sur la candidature d'une femme voilée aux régionales de 2010, c'est lui qui portera un nouveau coup de massue, en renonçant à se présenter en 2012. Contacté, M. Besancenot n'a pas souhaité s'exprimer sur ce sujet.

"Gâchis", c'est le mot qui revient le plus souvent dans la bouche de ceux qui ont cru au pari du NPA. " Le projet fondateur est toujours valide, se défend Christine Poupin, une des deux porte-parole du parti. Mais la courbe de santé du NPA correspond à celle du mouvement social, avec ses offensives et ses reflux. Pour l'instant, on ne trouve pas les moyens pour que ça s'exprime."

C'est tout le paradoxe : malgré un contexte économique et social qui devrait lui être favorable, le message du NPA reste inaudible. "C'est un échec à l'aune d'une opportunité historique rare", estime Vincent Tiberj, chercheur à Sciences Po. "Le tableau n'est pas fantastique mais n'enterrez pas trop vite le NPA", plaide Alain Krivine.

Si les minoritaires n'ont pas – encore – décidé de quitter le parti, la campagne présidentielle s'annonce particulièrement difficile. Et pourrait bien s'achever plus tôt que prévu : pour l'instant, le NPA reconnaît n'avoir recueilli qu'environ 200 promesses de signatures.

Raphaëlle Besse Desmoulières