Interview de Gabriel Loza Telleria, président de la Banque centrale bolivienne :
«L’arrivée d’un nouveau directeur n’a pas entraîné de changements notoires dans le fonctionnement du FMI. Le discours change, la place faite aux pays émergents tend à augmenter, notamment sous l’impulsion de Dominique Strauss-Khan.
Mais cela ne changera pas grand-chose pour des pays comme la Bolivie. A part la Chine, la place réservée aux pays émergents reste marginale. On parle beaucoup de l’assouplissement des conditions du FMI en cas d’intervention dans un pays. Mais comment être certain que ce n’est pas un assouplissement de circonstance ?
En Bolivie, inutile de dire combien nous nous méfions du Fonds. Faut-il rappeler quelles furent les conditions imposées par lui lorsque la Bolivie l’appelait : "Pour équilibrer vos finances publiques, faites moins de dépenses, augmentez vos impôts et privatisez…" La Bolivie l’a fait. Qu’a-t-elle gagné ? Certainement pas une réduction de la pauvreté. Ce fut le contraire.
Les politiques d’ajustement ont toujours été des facteurs de troubles sociaux. Le FMI a-t-il dit, une seule fois et publiquement, que l’extraordinaire niveau de la dette du pays le plus riche au monde était une bombe à retardement ? Je parle des Etats-Unis et de leur dette qui dépasse les 10 000 milliards de dollars !
Le problème, c’est l’idéologie du Fonds : le libre marché comme unique facteur de croissance et de réduction de la pauvreté. Mais ça ne marche pas. Encore une fois, le discours semble changer. Nous n’avons pas claqué la porte du FMI, mais nous avons choisi de participer à l’élaboration d’une solution alternative : la Banque du Sud, à laquelle participeront le Venezuela, le Brésil, l’Equateur, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay. Elle financera des projets de développement en Amérique du Sud.
Nous n’avons pas besoin du FMI, car nous avons pu engranger près de 6 milliards d’euros de réserves de devises. C’est la moitié d’une année de production. Par quel miracle ? Des nationalisations et une hausse de la fiscalité des entreprises multinationales. Aux antipodes des prescriptions du FMI.»
Par REZA NOURMAMODE LA PAZ, de notre correspondant.