Vendredi 23 décembre, trois personnes ont été tuées devant le Centre culturel kurde rue d'Enghien à Paris, trois autres grièvement blessées. Un massacre qui s'est produit à quelques jours de la commémoration du 10e anniversaire de l'assassinat en plein Paris de trois militantes kurdes – Rojbin, Sakine et Leyla – par un nationaliste turc. Une sinistre répétition qu’il faut interroger.
Un attentat raciste mais pas terroriste ?
L'auteur de ce dernier massacre prétend avoir ressenti le besoin urgent de tuer des étrangers. C’est ce qui a permis au ministère de la Justice de qualifier cet acte de « raciste », mais pas « terroriste ». Étrange quand on sait qu’il existait bien d’autres cibles potentielles plus visibles — entre autres les mosquées, très fréquentées le vendredi — pour un raciste « pathologique », « dépressif » et « suicidaire », souhaitant passer à l’acte, et que le Centre culturel kurde est habituellement quasi désert un matin de semaine,… Lorsque l’on sait en outre qu’une importante réunion du mouvement des femmes kurdes était prévue à cette même heure, par chance décalée, on comprend pourquoi les associations kurdes pointent du doigt Erdogan et posent la question d’un attentat commandité par les services turcs.
Les investigations le diront, à condition qu’elles soient réellement menées. Ainsi, l’enquête censée faire toute la lumière sur les commanditaires du triple meurtre de Rojbin, Sakine et Leyla en 2013, s'était arrêtée net : toutes les informations concernant les liens prouvés entre l'assassin et les services secrets turcs ont été classées « secret défense » par le gouvernement français...
L’ambivalence du pouvoir français
La communauté kurde est importante et très active en région parisienne. Des milliers de Kurdes manifestent régulièrement pour protester contre les bombardements dans le Nord-Est de la Syrie, l'utilisation d'armes chimiques contre les Kurdes en Irak, et la répression en Turquie où des milliers d'opposantEs au régime d’Erdogan sont emprisonnés. Ils ne cessent d'exiger la libération d'Abdullah Ôcalan, le président du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) emprisonné depuis 1999. Tout cela exaspère le pouvoir turc.
Dans ce cadre, l'attitude du gouvernement français par rapport aux revendications kurdes est ambivalente. Depuis le rôle majeur joué par les Kurdes dans la lutte contre Daesh, le président Macron a tendance à marquer une certaine souplesse, alors que le ministère des Affaires étrangères a toujours soutenu obstinément la Turquie.
Cette ambivalence s'est reflétée dans le traitement des récentes manifestations : charges contre les manifestantEs le vendredi 23, gazages de la manifestation du samedi 24... et protection discrète de la marche blanche du lundi 26 qui s'est alors déroulée dans le calme.
Ces derniers jours, les menaces de mort pleuvent sur les animateurEs du CDKF. Les autorités doivent prendre les mesures pour éviter qu'un nouvel attentat terroriste se produise.
Contre l’extrême droite, pour les droits des Kurdes !
Ce qui s’est passé ces derniers jours nous rappelle la menace, qui peut être meurtrière, que fait peser l’extrême droite sous toutes ses formes. La diffusion des idées racistes ou fascisantes infuse dans certains esprits qui peuvent passer à l’acte pour tuer, parfois à leur initiative, parfois manipulés par des groupes ou des États. C’est pourquoi le NPA est et sera partie prenante de toutes les mobilisations unitaires pour faire reculer le racisme et l’extrême droite.
C’est aussi la raison pour laquelle nous nous tenons aux côtés du peuple kurde pour porter ses exigences : la lumière doit être faite sur les éventuels commanditaires de l’attentat du vendredi 23 décembre ; le secret défense concernant l'enquête sur les assassinats de Rojbin, Sakine et Leyla doit être levé ; les centres culturels et associatifs kurdes doivent être protégés ; la collaboration avec le pouvoir et les services secrets turcs doit s’arrêter ; le PKK doit être retiré de la liste des organisations terroristes.
Le 30 décembre 2022