Publié le Lundi 20 avril 2009 à 11h32.

"Besancenot en Terre promise" (Le Journal du Dimanche)

Il a tant rêvé sa Palestine, ce jeune révolutionnaire né à la politique au temps de la première Intifada! Olivier Besancenot foule enfin sa Terre promise. L'homme du refus simple appréhende l'Orient compliqué et s'émerveille de ne pas tout saisir, star des sondages en France mais simple militant ici.

"C'est chaud", lance-t-il parfois, quand la réalité lui saute au visage.

Il est à Jérusalem ce samedi matin, arrivé dans la nuit à l'aéroport Ben-Gourion de Tel-Aviv. C'était son anniversaire, il a littéralement fêté ses 35 ans avec des officiers de sécurité israéliens, bagages passés au peigne fin et fouille au corps: ils n'avaient pas reconnu le facteur trotskiste mais s'interrogeaient sur un de ses amis, militant trop connu des réseaux de soutien aux Palestiniens! Il a passé la nuit à Jérusalem, chez l'avocate Lea Tsemel, figure des antisionistes pacifistes israéliens. Il doit rester jusqu'à mardi, espère entrer à Gaza lundi, se promet de tout comprendre de la Palestine mais de saisir aussi ce qu'est Israël?

Porte de Damas, ce matin, en attendant un taxi-bus qui doit l'emmener vers Naplouse, il découvre justement un Israël, qu'il ne soupçonnait pas: une petite tour de Babel, ces Arabes qui font leurs courses, ces soldats de Tsahal qui ne sont que des gamins, ces jeunes Russes... Le mélange semble possible quand tout est calme. Ensuite, Besancenot prend la route, vers la Cisjordanie réelle. Un guide l'accompagne, Raed, militant palestinien, passé par la fac de Montpellier. Le chemin est initiatique. Sur la route, Besancenot croise des mythes. Le mur de séparation d'abord, qui surgit soudain, bloc de béton qui le saisit: "C'est chaud, c'est incroyable, c'est encore plus grand que je ne le croyait!" Raed lui raconte les familles séparées par la "barrière". Besancenot écoute, dévore du regard. On croise l'université de Bir Zeit, phare du nationalisme palestinien. "Tiens, j'avais manifesté pour jumeler Nanterre avec cette fac!"

La Palestine ne ressemble pas à l'image qu'il s'en était faite. Il s'émerveille devant ces champs d'oliviers à perte de vue, il s'étonne de ces paysages désertiques puis des concentrations d'habitations, villes palestiniennes ou colonies israéliennes. Raed lui montre les toits rouges typiques des colonies. Besancenot réalise: "Elles sont plus concentrées que je croyais. Je pensais qu'ils ne construisaient plus, en fait, ils avancent, ils spolient les paysans..."

"Je viens du pays du Zidane"

"L'occupation militaire israélienne", c'était des tracts ou des slogans. Il la découvre vraiment à Balata, un camp de réfugiés près de Naplouse: 20 000 habitants sur un kilomètre carré, des ruelles si étroites qu'on peut à peine y passer, et tous ces gamins qui traînent dans les rues! Et ces visages peints sur les murs, "si jeunes", ces portraits en exvoto... Les "martyrs", lui dit-on. "Ceux qui se font sauter avec des bombes", se demande-t-il? Non. Pas seulement. Dans une maison, un vieillard de 73 ans lui raconte son fils et son petit-fils tués par

l'armée israélienne, lors d'une incursion dans le camp. Les martyrs... Le vieil homme montre la photo des disparus. L'atmosphère est lourde. Un militant du Fatah intervient: "Heureusement il nous reste le rire!" Dans la journée, Besancenot se détend. On l'appelle "Zitouni", olive en arabe: "Mes potes rebeus m'appelaient comme ça à l'école!" Il aperçoit un gamin, un ballon à la main? "Je viens de France, le pays du foot et de Zidane!" Il aimerait jouer avec les petits dans le camp comme il l'a fait dans les favelas brésiliennes.

Mais il est en visite quasi officielle, cornaqué par Hussan Khader, un député du Fatah, qui vient de passer cinq ans en prison mais qui se reconnaît si peu dans l'Autorite palestinienne. Besancenot se force aux convenances et au protocole de l'Orient, lui qui n'aime que ce qui est spontané. Les cafés qu'il faut accepter à chaque rendez-vous, les mains qu'il faut serrer, les rencontres qu'il faut multiplier sous peine de vexer quelqu'un. "On est content de voir un jeune dirigeant politique comme toi, ironise un responsable du Fatah. Chez nous, en dessous de 70 ans, on ne peut pas avoir de responsabilité! Le Hamas a présenté des jeunes, il a gagné!" La Palestine devient soudain familière.

Par Cécile AMAR, à Naplouse.