Le 20 janvier 2009, le LKP, « mouvement contre la profitation », lançait un appel à la grève générale qui a paralysé la Guadeloupe durant quarante-quatre jours. Elle s’est achevée avec la signature de l’accord Bino accordant 200 € de hausse de salaire à de nombreux Guadeloupéens. L’augmentation des carburants, le 1 e r janvier, a fait ressortir de ses gonds le LKP et son leader, Elie Domota. Il appelle à manifester samedi et à la grève générale à partir du 20 janvier.
La hausse des carburants en janvier vous fait réagir très vivement… Elie Domota. Cette décision est non concertée et illégale. L’arrêté du préfet est en contradiction avec le décret de 2003 qui fixe la procédure de hausse du prix de l’essence. C’est pourquoi, comme pour la hausse de septembre, nous avons déposé un recours en référé devant le tribunal administratif. Mais curieusement, nous n’avons toujours pas de date d’audience pour le recours de septembre. Ça se passe comme ça sous les cocotiers ! Donc, nous appelons la population à la grève générale, à partir du 20 janvier, pour une durée indéterminée et nous appelons à manifester samedi (NDLR : demain) à Pointe-à-Pitre. Nous attendons 20 000 personnes. Qu’on nous laisse acheter le pétrole au Venezuela où il est moins cher. Le préfet augmente l’essence pour permettre à des sociétés comme Total de s’en mettre plein les poches. En outre, les pâtes, le riz, les voitures, les matériaux de construction, tout ici est plus cher qu’en métropole. Les hôteliers disent que vous avez fait capoter la saison dernière et celle en cours… Voilà un secteur qui bénéficie de défiscalisation, d’exonération de charges, de primes pour restructuration des chambres, pour recrutement de salariés, d’exonération de TVA et finalement 80 % du produit du tourisme repart à l’étranger… Il n’y a pas de politique touristique. Si des hôtels ont fermé, c’est pour régler des comptes avec les organisations syndicales. Pensez-vous qu’on ferme une entreprise pour régler des comptes ? Pourquoi ça n’a pas fermé en Martinique ? Qu’est-ce qui s’est passé en Guadeloupe ? Des incidents, c’est tout. La grève a démarré le 20 janvier 2009, mais Mme Alliot-Marie n’a pris la parole que trois semaines plus tard et M. Sarkozy deux mois après. « En France », quand les routiers menacent de bloquer Noël, ils sont reçus immédiatement à l’Elysée. Pourquoi ce traitement particulier pour les nègres de la République ? Certains parlent de « manque d’efficacité du travail » en Guadeloupe, de masse salariale trop lourde… C’est du racisme. Nous sommes face à des patrons qui passent leur temps à mépriser les nègres. Le groupe belge SISB, propriétaire du groupe Cora, a décidé de quitter les Antilles parce qu’il ne fait plus assez d’argent ; qu’il le dise au lieu d’accuser les Guadeloupéens. A vous entendre, les quarante-quatre jours de grève n’ont servi à rien… Au contraire, l’accord Bino, même si c’est partiellement, a été appliqué : les salaires ont augmenté, le prix des carburants a été un moment gelé, des aides ont été octroyées aux familles, aux agriculteurs, aux marins pêcheurs. Mais au niveau prix alimentaires, de l’essence et des salaires, l’Etat est en train de faire marche arrière et de revenir à la profitation. On ne se laissera pas faire. Où en est-on de l’accord signé en mars ? Il reste des divergences, comme l’accord sur les salaires : la base de calcul pour l’augmentation de 200 € devait être le salaire de base (NDLR : hors primes, heures supplémentaires…), l’Etat a modifié ce calcul, excluant ainsi 10 000 personnes. Il a aussi supprimé la clause de convertibilité qui prévoyait que les employeurs prendront en charge les 200 € à l’issue des aides de l’Etat et des collectivités. Au final, sur les 50 000 bénéficiaires prévus, 30 000 risquent d’être exclus de l’accord. Le protocole prévoyait un plan d’urgence d’insertion et de formation des jeunes, rien n’a été fait. 59 % des moins de 25 ans sont chômeurs, vous imaginez en France 59 % ? Avec la manifestation de demain et la grève du 20 janvier, la Guadeloupe repart-elle pour un long conflit ? Oui, car les salariés n’accepteront pas la hausse du carburant et la perte des 200 € d’augmentation de salaire promis lors de l’accord de mars. Serez-vous candidat aux élections régionales ? Non, on n’entre pas dans un système pour le faire changer. Le LKP ne soutient aucun candidat pour l’heure, mais il donnera sa position le moment venu.
Elie DOMOTA, est secrétaire général de l’UGTG (Union générale des travailleurs de Guadeloupe) et leader du LKP (Liyannaj kont pwofitasyon).
Le 8 janvier 2010. Propos recueillis par D.R.