Entretien avec Ghayath Naisse, Syrien présent à l’Université d’été. (Extraits)
Peux-tu nous parler du vernis anti-impérialiste du régime de Bachar ? Il n’y a plus de vernis depuis longtemps ! […] Le seul objectif du discours est politique, il est de survivre dans une région changeante et instable et convoitée par de nombreuses puissances. Quel est le rôle des femmes aujourd’hui ? Les révolutions font émerger ce qu’il y a de moche mais aussi ce qui est beau dans la vie. Ça régénère la culture, l’art, le chant, la conception de la vie, le rapport de solidarité. […] Par exemple, l’intégrisme n’existait pas. Les slogans étaient superbes, démocratiques, non confessionnels, c’est vraiment des slogans de la révolution. C’était ouvert à n’importe qui, au copain de gauche, laïc et athée, aux copines qui étaient découvertes, parfois extravagantes. Mais ils étaient là et on leur donnait le micro pour dire le slogan, le mot d’ordre qu’ils voulaient. Le régime a envoyé l’armée […]. Il y avait tellement de respect et de solidarité, tous les préjugés sont tombés. Où en est le mouvement social aujourd’hui en Syrie ? Que la Syrie aille vers une guerre civile, c’est l’un des scénarios que le régime souhaite. […] D’ailleurs, ils souhaitent peut-être en attaquant Israël se replier sur la côte pour créer un État […] c’est aussi l’un de leurs scénario. Mais ce n’est pas celui de la révolution. Tout le peuple syrien veut une Syrie libre, civile, laïque et démocratique. Envisagez-vous une remise en cause de la Constitution ?Ce débat a lieu, pour l’instant on converge tous, les gens de gauche, les démocrates, même les libéraux ou les courants islamistes modérés. Nous faisons partie d’une gauche qui appelle d’emblée à construire les structures populaires de base. […] Que ceux qui se révoltent gèrent leur vie. On appelle à une Constituante populaire créée par la base. On a un texte de la gauche révolutionnaire en Syrie depuis le mois de juin qui parle de lier la lutte démocratique à la lutte sociale. On appelle ça la gauche de la première ligne. Une conférence, en Turquie, a donné naissance à un Conseil national. Quel est son poids ?Cette opposition étrangère constitue un poids supplémentaire à la révolution en Syrie.Ce Conseil national pèse beaucoup mais n’a pas d’effet sur le cours de la révolution ni sur les coordinations locales de terrain. Il n’a pas de prise. Juste un effet médiatique et politique. Le Conseil national est constitué sur un agenda d’une puissance régionale, la Turquie […]. Mais il n’y a pas une seule chaîne de coordinations. Dans chaque quartier, il y avait des responsables locaux. Maintenant il y a des coordinations locales dans chaque ville. C’est un processus. Peux-tu nous parler des Frères musulmans ?Leur poids est virtuel. La société syrienne en général est conservatrice. Il y a beaucoup de croyance. Le régime y a beaucoup contribué en instaurant les organisations religieuses. La crise économique a envoyé les gens vers un conservatisme social. Les gens ont commencé à se protéger. Ils meurent de faim mais pensent que Dieu sera là pour les protéger. Ce n’est pas comme en Égypte.[…] Où en est la gauche syrienne ?Elle a été écrasée pendant très longtemps. Mais elle a survécu. Le 15 mars on s’est retrouvé devant des partis de gauche tout petits. […] Avec la révolution, beaucoup de jeunes ont quitté des partis proches du pouvoir pour nous rejoindre. Les conditions sont très difficiles mais on est bien dedans. Un aspect sur la solidarité internationale ?L’image de la Syrie va refléter l’image de forces qui étaient actives et dynamiques. Ce message de solidarité de la gauche est important dans la constitution de la conscience populaire. […] Tous les gens ont besoin d’une étoile polaire. La lenteur de la gauche se paie. Ici c’est important, car on tue. C’est important pour nos militants là-bas.
Propos recueillis par Alain Pojolat et Marc Prunier