Publié le Vendredi 12 septembre 2025 à 10h01.

Contre Macron et son monde, enraciner le mouvement et poser la question de la grève

A peine Bayrou dégagé par l’échec du vote de confiance à l’Assemblée, Macron a décidé de nommer son remplaçant, Sébastien Lecornu. Ministre depuis 2017, homophobe assumé et très proche de Macron, sa nomination est une provocation de plus d’un président illégitime et acculé, en difficulté pour trouver des alliés politiques prêts à rejoindre son gouvernement. En nommant l’ancien ministre des armées, qui a refusé de prononcer un embargo sur les ventes d’armes à Israël en plein génocide, Macron fait un pas de plus vers l’extrême droite.  

Les manœuvres de Bayrou, puis de Macron pour étouffer le mouvement social n'auront pas réussi à contenir la colère et la mobilisation : de 5h du matin jusqu'à la fin de la journée, nous n'avons pas lâché la rue. 30 000 à Toulouse, 15 000 à Rennes, 10 000 à Montpellier, 10 000 à Strasbourg, 8 000 à Lyon…. Partout, les chiffres de mobilisation ont été massifs, portés par une mobilisation importante de la jeunesse, des dizaines de milliers de grévistes dans la fonction publique et le privé, malgré l’absence d’appel de l’intersyndicale, plus de 800 actions ou rassemblements : cette journée montre la voie. C'est une démonstration de force qui doit nous donner confiance pour la suite, même si la répression a été brutale, avec plus de 80 000 flics mobilisés et près de 500 interpellations.

L'enjeu des jours qui viennent sera de renforcer le mouvement, de l’ancrer davantage sur le territoire, les lieux de travail et d’étude et sur la durée. Nous avons la possibilité de construire un vaste mouvement de grève qui mette le pays à l'arrêt, impose un rapport de force qui puisse en finir avec Macron et les institutions de la Vème République.

La construction d’un tel mouvement fait face à plusieurs défis.

Populariser la question de la grève 

Des grèves ont été construites dans plusieurs secteurs, malgré l’absence d’appel de l’intersyndicale, et avec parfois de meilleurs taux de grèves que d’habitude. Mais à une échelle large, pour le moment, la mobilisation est faible sur les lieux de travail. Notre objectif doit être de renforcer cette dimension qui est essentielle. Les blocages et les mobilisations de rue, même de milliers de personnes ne peuvent se substituer au blocage de l’économie par la grève et à l’organisation des travailleurs et travailleuses sur leurs lieux de travail en AG.

Un mouvement hétérogène

En raison de son hétérogénéité, la construction d’un mouvement grève à partir de la mobilisation du 10 septembre passera par l’articulation avec d’autres formes de blocage et notre capacité à intégrer les différents niveaux de luttes, y compris dans des secteurs plus éloignés de collectifs d’organisation des travailleurs et travailleuses. Ce renforcement se fera progressivement et la journée du 18 doit être la prochaine étape, où lutte syndicale, sociale et politiques doivent converger. L’expérience des participant·es est également très diverse. A ce titre nous privilégions des actions qui permettent l’accumulation rapide d’expérience avec des risques limités de répression.

Renforcer l’auto-organisation

Multiplier les cadres d’auto-organisation, à différentes échelles, est un élément clé pour passer un cap dans le niveau d’auto-organisation qui structure déjà le mouvement (« bases arrières », cantines populaires, street médics, garderies, base arrière juridique et accueil psychologique, qui permettent une politisation rapide) et le massifier. Discuter à des niveaux différents, faire émerger des collectifs dans les quartiers, les villes, du département, sur les lieux d’études, les entreprises, permet de se coordonner et d'échanger plus facilement que dans des AG de centaines voire milliers de personnes, tout en permettant au plus grand nombre de participer au mouvement. Ces structures d’auto-organisation sont les seules à même d’ancrer le mouvement dans la durée. Ces comités peuvent également provenir de structures plus anciennes qu’il est possible de réactiver (comité NFP, services publics, etc.). Ces structures permettent d'organiser des actions, de discuter des revendications, et de les connecter aux comités qui vont porter la grève.

Massifier le mouvement

La journée du 10 septembre a montré un décalage entre les AG (malgré la forte participation) et le nombre en manif (rapport de 1 à 10 ou 20 !). L’ouverture du mouvement à la diversité des personnes mobilisées (plus largement que les milieux de militantEs de gauche) sera aussi une des conditions de son amplification, avec le risque que les AG ne regroupent que la frange « radicale » de la mobilisation. En ce sens,  les cadres d’auto-organisations seront clés pour cette massification. Ce qui impose de changer d’échelle. Décentraliser/fédéraliser ces cadres signifie tester pour trouver les cadres adéquats: quartier ? boîtes ? facs ? Nous devons nous assurer que les AG s’ouvrent à la diversité du mouvement en devenant des AG fédérant des comités de lutte, qu’ils soient des comités « 10 septembre », par secteurs d'emploi, par boite, des comités de grève, etc. L’ancrage territorial a été structurant pour les GJ, c’est une source d’inspiration. Cette massification est cruciale pour donner confiance aux secteurs du mouvement qui sont en mesure de mener une grève active. Nous devons soutenir la mobilisation de celles et ceux qui se sont moins mobiliséEs hier, notamment les personnes racisées des quartiers populaires, qui sont en premières lignes des attaques sociales et de la répression. Associer les collectifs de quartiers et antiracistes, être clair sur des mots d’ordres antiracistes, antifascistes et contre l’extrême droite, porter des revendications sur la question des violences policières, des services publics, du logement, de la liberté de circulation peuvent permettre d’élargir le mouvement à l’ensemble de notre classe. Cela passe aussi par avoir le soucis constant de l’inclusivité du mouvement, les zones d’occupation féministe ou les zones antiracistes sont des exemples d’espaces à même de permettre d’élaborer tous et toutes ensemble, sur des mots d’ordres qui émanent des premiers et premières concernées. 

Contribuer à l'élaboration d’une réponse revendicative et démocratique par le mouvement

La question du pouvoir est centrale dans l’origine du mouvement du 10 septembre et des mots d’ordres de la mobilisation d’hier. « Macron dégage ! » est d’autant plus d'actualité avec la nomination d’un 1er ministre issu de sa garde rapprochée. Mais des AG doivent aussi ressortir des revendications qui fassent de l’auto organisation de notre camp social l’organe démocratique qui porte la possibilité d’un changement de système, d’imposer le partage des richesses et d’en finir avec ce régime au service des capitalistes, et poser la perspective d’un gouvernement des travailleurs et travailleuses. Discuter de mesures d'urgence à imposer et des revendications telles que la question des retraites, chantier relancé par Lecornu, reste prégnante, tout comme celles des salaires, des services publics, du temps de travail, de l’égalité des droits et contre le militarisme. 

L’idée de cahiers revendicatifs évoqué dans certaines AGs permettrait de relier cadre d’auto-organisation, discussion sur les revendications et de pouvoir aborder plus concrètement la question d’une Assemblée constituante.

Travailler à l’unité de la gauche politique et sociale

Ces revendications doivent aussi permettre de peser vers la construction d’une unité politique de notre camp social, de la gauche sociale et politique et d’échapper au jeu institutionnel du règlement de la crise par les élections. Les AG ne doivent pas simplement servir de point d’appui, elles doivent être centrales dans la construction du mouvement. Nous pouvons contribuer à organiser cette unification sociale et politique dans des cadres unitaires et des initiatives en soutien à la mobilisation sur la base de ses revendications.