La mobilisation du 10 septembre est une réussite. Un point d’appui pour construire un mouvement de masse pour un changement radical en France.
Les médias français et le gouvernement auront beau minimiser la réussite de journée, c’est une réussite qui montre les ressources de la classe ouvrière de France. Selon le ministère de l’Intérieur, il y a eu 430 actions (à comparer aux deux à trois mille des premières journées des Gilets jaunes), dont 157 blocages mobilisant 29 000 personnes. Mais on peut déjà dire, à cette heure, que 15 000 personnes ont manifesté à Bordeaux, environ 30 000 à Toulouse (contre 120 000 au plus fort de la mobilisation sur les retraites), 600 à Belfort, au moins 200 à Angoulême, au moins 10 000 à Rennes, 5 000 à Brest. À Paris, de multiples actions ont eu lieu : blocages de quelques portes, rassemblements à République, Gare du Nord, Châtelet, Place des Fêtes. Une grande partie des blocages parisiens ont été délogés par le gouvernement, qui avait mobilisé 80 000 gendarmes et policiers, même si certains piquets de grève, là où il y avait un nombre substantiel de grévistes, ont tenu. Partout on pointe la présence de nombreux.euses jeunes. Au total 175 000 manifestant.es (250 000 selon la CGT) annoncé par Retailleau qui en avait « prévu » 100 000.Dans la soirée, des assemblées générales doivent se tenir pour discuter des suites du mouvement.
Une journée réussie
On peut dire que, pour un mouvement semi spontané, c’est une grande réussite. Il a été déclenché par des individus et des courants très variés, puis la frange de la gauche radicale s’est engagée à l’intérieur (France insoumise et extrême gauche, certaines Fédérations CGT, Soldaires et syndicats locaux…), tandis que les grandes confédérations syndicales appellent à une journée de grève le 18 septembre. Des assemblées ont regroupé, fin août et début septembre, des centaines de personnes, sur un mot d’ordre de rejet de Macron et de l’austérité, en particulier à la suite de l’annonce de la volonté de reconduire le budget de l’année dernière, qui aura des conséquences désastreuses sur les services publics et la Sécurité sociale, et de supprimer trois jours fériés, dont le 8 mai et le lundi de Paques. Dans les manifestations, ces mots d’ordre se sont mêlés au rejet de l’extrême droite et de l’augmentation des budgets militaires, et à la solidarité avec la Palestine.
Le gouvernement s’est sabordé lundi 8 septembre lorsque le Premier ministre Bayrou a demandé un vote de confiance de l’Assemblée nationale, qui l’a rejeté, avec seulement 194 voix favorables et 384 voix contre. La nomination par le président Macron du ministère de la Défense, Lecornu, au poste de Premier ministre mardi 9 septembre, sonne à la fois comme une provocation et un aveu d’immense faiblesse. C’est une provocation car, comment peut-on nommer à ce poste celui qui représente à la fois la continuité de tous les gouvernements sous Macron et le transfert des budgets sociaux vers le militarisme ? C’est aussi un aveu de faiblesse qui montre à quel point Macron est en difficulté pour trouver du personnel politique prêt à mener sa politique.
Les prochaines semaines seront très importantes, tout peut arriver. Si les classes populaires et la gauche ne sont pas assez déterminées, ce sont la droite et l’extrême droite qui sortiront leur épingle du jeu dans cette séquence de semi-vacances du pouvoir. On aura peut-être un accord entre Le Pen et Macron pour gouverner et accélérer l’offensive antisociale et raciste. Ou un « gouvernement d’expert » qui fera passer cette politique avec un Rassemblement national qui le laissera faire et attendra son heure lors de la présidentielle de 2027.
Construire un mouvement pour gagner
À l’inverse, le prolétariat peut peser dans la situation, à condition de se positionner de façon offensive. Cela nécessite plusieurs conditions.
La première est de ne pas se contenter d’un mouvement minoritaire et radical. Il faut absolument construire le mouvement : dans les prochains jours, multiplier les tournées dans les services, les ateliers, etc , les diffusions de tract, la préparation d’une grève de masse. Le 18 peut permettre de franchir un cap vers une grève générale contre la politique du gouvernement.
La seconde est d’avoir des objectifs clairs, des mots d’ordre qui répondent à la situation économique, sociale et aux enjeux actuels : révoquer la dette, augmenter les salaires de 400 euros, de l’argent pour les services publics, revenir à la retraite à 60 ans, interdire les licenciements rétablir les droits des chômeur.euses accorder la liberté de circulation et d’installation et l’égalité aux étranger·es, arrêter les politiques guerrière et en particulier la complicité avec le génocide en Palestine.
La troisième est de répondre à la question du pouvoir. Il ne suffit pasde se débarrasser Bayrou et Lecornu, c’est Macron qu’il faut dégager. Ceci ne saurait intervenir dans la cadre des institutions actuelles, qui sont antidémocratiques et qui ont failli. Il faut un gouvernement de rupture, un gouvernement des travailleur·ses, de leurs organisations, les syndicats et les partis de gauche, pour engager une politique de rupture radicale avec l’ordre existant.
Voilà ce que les militant·es anticapitalistes peuvent défendre dans ce mouvement. Par leurs journaux, par leurs tracts et leurs interventions dans les assemblées. Les militant·es doivent défendre l’unité du mouvement – donc de toute la gauche sociale et politique, de la base au sommet –, sa construction sur des objectifs concrets, tant sur la plan des revendications que sur la construction démocratique et militante (assemblées générales, piquets de grève, diffusions…) et une orientation qui permette de construire l’affrontement avec une classe dominante qui ne reculera devant rien d’autre qu’une mobilisation massive inscrite dans la durée. Certains milieux bourgeois voient déjà l’extrême droite et la répression comme un recours face au mouvement social, il faut gagner pour éviter une radicalisation des attaques antisociales, racistes et guerrières, et pour engager une rupture avec le capitalisme néolibéral.