Même s’il ne revient pas souvent voir ses camarades en Normandie, Olivier Besancenot n’a pas oublié d’où il est parti. Avec qui mais aussi pourquoi. La Normandie a été une terre formatrice où, au cœur de l’adolescence, il s’est forgé son caractère de pourfendeur d’injustices. Déjà convaincu qu’il fallait que « le monde change avant qu’il ne nous écrase », c’est à Louviers qu’il a pour la première fois déployé l’étendard de sa révolte dans le collège du Hamelet puis dans le lycée des Fontenelles qui l’ont accueilli.
À cette époque le jeune banlieusard, fils d’un prof de physique et d’une psychologue scolaire, s’est donc mis au vert sans être toutefois trop dépaysé puisqu’il s’est retrouvé à proximité de la ville nouvelle de Val-de-Reuil.
Le béton était juste un peu plus frais qu’à Levallois-Perret et les immeubles bien moins hauts... « Alors que j’avais huit ans, mes parents ont quitté la région parisienne pour s’installer dans cette petite ville de Normandie. C’était leur choix et j’y suis resté jusqu’à l’âge de mes dix-huit ans. Nous faisions le trajet inverse des résidents secondaires et allions passer nos week-ends à Paris pour retrouver la grand-mère », confie-t-il lundi, au siège du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), rue Richard-Lenoir à Montreuil.
« J’AIME LE HAVRE, LA VILLE QUI FAIT PLEURER DEUX FOIS »
Le titi banlieusard fera ses premiers pas dans le militantisme dès 14 ans en se rapprochant de SOS Racisme. « Il y a eu les premiers tracts, et ma première prise de parole dans la cour du lycée dès ma rentrée en seconde. Depuis la défense de l’école à la profanation d’un cimetière juif à Carpentras en passant par la guerre du Golfe, les mobilisations étaient nombreuses. Nous prenions le train à Val-de-Reuil pour aller porter nos luttes et nos revendications dans la capitale », se souvient-il.
En parallèle à ces terres de lutte, il fréquente la pelouse à crampons en guise de terrain de jeu. Le football constitue une détente pour s’éloigner un moment de l’engagement politique déjà très envahissant. « Je suis entré très jeune au club de foot de Louviers et suis resté depuis très attiré par ce sport d’équipe », confesse le porte-parole du NPA (Nouveau Parti anticapitaliste) qui aime tirer droit au but.
Pourtant, de cette Normandie-là, Olivier n’a qu’une vision parcellaire, presque anecdotique. On est bien loin de la Normandie des cartes postales. Au-delà de SOS Racisme, ses chemins de traverse, il les arpente au fil des mobilisations dans lesquelles sont engagés les militants ouvriers dont il a fait la connaissance au sein de la section locale de la LCR, et auprès desquels il apprend beaucoup. Avec des étapes comme Cléon lors de la grande grève Renault de 91, les luttes répétées des Wonder contre l’étouffement de leur usine de Louviers, puis celle de De Carbon à Andé, ou encore de l’usine papetière d’Alizay Modo paper (future M-real, aujourd’hui Double A), son circuit touristique de découverte est surtout industriel. « Hélas je ne connais pas suffisamment la Normandie car je l’ai très peu sillonnée », concède celui qui a l’habitude... de ne rien lâcher. « Aussi, j’aimerais de nouveau m’y retrouver et me faire accompagner dans mes balades pour mieux la connaître. Je pense à Rouen dont je garde un bon souvenir lors du dernier meeting que j’y ai tenu durant la campagne présidentielle de 2002. C’était dans la salle de l’ancienne église Sainte-Croix-des-Pelletiers, un endroit magnifique ».
Mais il reste une autre ville attachante qui est une de ses préférées, et où réside une partie de sa famille. « J’aime beaucoup cette ville du Havre, dont on dit qu’elle fait pleurer deux fois : une fois en arrivant et une fois en repartant... C’est une formule que j’adopte car elle me paraît très juste ». Et pour une fois, les gaz lacrymogènes ne sont pas en cause !
Au sujet de la réunification des deux Normandie, la première réaction d’Olivier est de juger que « c’est aux populations de décider car à mon sens, il y a une bonne partie de trompe-l’œil dans ce débat-là. Les sujets de préoccupation des personnes qui vivent dans ces départements ce sont l’emploi et les questions sociales. Qu’elle soit divisée en deux, en trois ou qu’elle ne fasse qu’une ne va pas changer grand-chose. C’est un leurre pour embarquer la discussion sur un autre sujet. Ce qui est important c’est de laisser les personnes libres de décider de ce qu’elles veulent faire de leur territoire et cela va donc bien au-delà de simples questions de découpage. Il faut leur redonner un véritable pouvoir en termes de service public, d’activité industrielle ou encore de projets agricoles ». Justement, le militant à la fibre politique exacerbée aimerait voir une autre Normandie paysanne se redessiner : « Il faut revoir cette politique agricole commune absurde et inique qui distribue les plus grosses subventions aux plus grosses exploitations au détriment des plus petites ».
Pour Olivier Besancenot, il y a donc cette part de Normandie, et ces « autres parts » à mieux redistribuer...
PHILIPPE SCHAEFFER
Son dernier ouvrage coécrit avec Michaël Löwy : « Affinités révolutionnaires ». Pour donner un autre éclairage sur le mouvement ouvrier et le rapprochement entre marxistes et anarchistes.