Le 20 janvier, un jugement rendu par la Cour d’État ordonne la suspension temporaire du PST et la fermeture de ses locaux, en attendant le contenu du jugement qui sera notifié dans quelques semaines.
Les recours possibles ne sont pas explicités par la loi sur les partis. Le pouvoir n’accuse pas réception de nos courriers, il veut probablement nous accuser de récidive pour pouvoir enfin nous dissoudre.
Pourtant, nous avons fait un congrès dans les règles, comme le pouvoir l’a exigé sous menace de nous attaquer. Il n’y a donc pas de problème juridique mais un problème politique. Nous estimons que le juge n’a pas suivi le Droit, mais une décision politique venue d’ailleurs.
Nous préparons une réponse aux autorités. Le jugement n’a pas encore été notifié par huissier donc nos activités sont encore autorisées. On continue notre intervention politique dans le cadre du Pacte pour l’alternative démocratique (PAD) et dans la lutte contre la répression, par des initiatives militantes locales, en attendant de voir la suite des évènements.
Tous les observateurs le reconnaissent, le pouvoir s’attaque à un courant politique qui a existé avant la légalisation des partis, depuis les années soixante-dix, et un courant qui a une grande signification dans l’histoire nationale algérienne. Nous partageons idées et combats avec beaucoup de camarades dans le monde et nous recevons des messages de solidarité qui le prouvent.
Pourquoi cette attaque ?
La démarche du pouvoir est intimement liée au Hirak et à la ligne politique du PST dans le Hirak : l’auto-organisation à la base, la revendication d’une assemblée constituante souveraine et le fait d’avoir agi sur le terrain depuis les premiers jours du Hirak jusqu’à sa suspension par le Covid. Le local du PST a été le lieu où les premiers noyaux organisés se sont réunis : les avocats, les organisations politiques et les étudiants. Ces derniers ont joué un rôle de dynamisation avec les manifestations du mardi. Nous sommes l’un des fondateurs du PAD autour de revendications démocratiques sur l’égalité hommes-femmes, la liberté de conscience, les libertés syndicales, la répartition des richesses et le soutien à toutes les causes justes dans le monde. Une initiative politique qui reste aujourd’hui un symbole de résistance face à la reddition de certaines figues et autres initiatives.
Nous avons aussi expliqué que le régime Tebboune est un régime libéral en continuité avec le régime de Bouteflika, qu’il n’a pas de légitimité de par les élections qu’il a organisées et qui ont été boycottées par le peuple. Le PST est aussi le seul parti qui organise des cortèges dans les manifestations. Nous militons également pour la construction d’un front contre la répression et pour les libertés démocratiques et ça, le régime ne peut pas l’accepter.
Pourquoi ce moment pour nous attaquer ?
Nous traversons une crise sociale très grave, caractérisée par un cours ultra libéral, avec des projets de privatisations, une loi de finance qui lève toutes les protections pour la majeure partie de la population, qui libéralise les prix de manière inimaginable sur les produits de première nécessité. Il y a un recul important du pouvoir d’achat des Algériens, on n’a pas eu d’augmentation de salaires depuis 2012 et on est passé d’un salaire moyen qui était un des plus élevés du sud de la Méditerranée au plus faible de la région. Tout le monde est d’accord que l’explosion sociale est à nos portes, qu’on est au bord du précipice.
Le rôle joué par le PST dans le soutien aux travailleurs de l’entreprise privée de Numilog, pour construire une campagne nationale de soutien à leur lutte et au droit syndical dans le privé, est une menace pour le pouvoir, dans cette conjoncture de poursuites des politiques libérales du régime Bouteflika et de leur accélération.
Nous sommes l’un des rares courants
antilibéraux en Algérie, et nous nous battons depuis le début du Hirak pour affirmer que celui-ci est un mouvement pour une émancipation sociale et démocratique. Ce n’est pas un Hirak abstrait, c’est une révolte qui revendique la répartition des richesses, qui revendique le droit d’avoir un logement, le droit d’avoir une santé gratuite et de qualité, une école gratuite et de qualité, d’avoir une dignité, de se projeter dans la société, d’avoir un emploi. Le meilleur exemple de cette réalité est que le 22 février 2019, l’émigration clandestine a cessé du jour au lendemain de l’Algérie vers le nord parce que les gens ont senti le vent de l’espoir pour une Algérie meilleure.
Voilà ce que le pouvoir veut combattre, voilà pourquoi le PST doit continuer à exister, pour défendre ses idées, pour la souveraineté nationale et la justice sociale.
* Kamel Aïssat est membre de la direction du Parti socialiste des travailleurs.