Aujourd'hui, les ex-Ford organisent une journée « Tous ensemble » avec la venue des Celanese, Conti, Molex, et de Guy Eyermann, qui a perdu son travail chez New Fabris.
Pendant six mois, le délégué syndical CGT Guy Eyermann a été de tous les combats pour tenter d'empêcher la fermeture (ou du moins obtenir la reprise) de son usine, New Fabris. Mais il n'y a pas eu de miracle du côté de la zone industrielle nord de Châtellerault. Alors que la menace planait de faire sauter à la bonbonne de gaz les installations de l'équipementier de Renault et PSA le 31 juillet, la majorité des 366 ouvriers licenciés a décidé d'accepter la prime d'indemnités de 12 000 euros proposée par l'État (NDLR : les syndicats demandaient 30 000 euros).
Le nouveau chômeur Guy Eyermann sera présent au rendez-vous de Blanquefort fixé par les ex-Ford, ce samedi. Avec l'espoir commun de lancer un collectif de lutte pour l'emploi, dont la première pierre avait été posée lors de la manifestation nationale organisée par les New Fabris le 30 juillet dernier.
« Sud Ouest ». Dans quel état d'esprit venez-vous à Blanquefort ?
Guy Eyermann. Quelques salariés de l'ancienne usine Ford sont venus nous soutenir le 30 juillet à Châtellerault. C'est donc normal que je donne suite à leur invitation. Il s'agit également de partager pour pouvoir commencer à mettre en place un comité national des privés d'emploi, de planifier des convergences de luttes et de parler de solidarité qui s'avère de plus en plus nécessaire.
Mercredi, vous étiez aussi au tribunal de Compiègne, où six anciens ouvriers de Continental ont été condamnés pour le saccage de la sous-préfecture le 21 avril...
C'est exact. J'en ai profité pour prendre la parole et remettre sur la table ce comité qui sera dirigé par la base puisque là-haut, dans nos instances, on ne daigne pas bouger le petit doigt. Pour ce qui est de leur condamnation, elle est inadmissible. Entre trois et six mois de prison, 60 000 euros d'amende par personne, c'est vraiment cher payé pour des gens qui voulaient juste sauver leur emploi. On voit très bien qu'ils veulent en faire un exemple. Cela me rappelle le cas de La Rochelle il y a quelques années, où quatre syndicalistes avaient commis des dégradations à la préfecture. Ils avaient été condamnés à une peine de prison avec sursis et une amende. Les quatre avaient fait appel. Lors de celui-ci, une manifestation nationale de soutien avait été organisée à Poitiers - 20 000 personnes étaient présentes - et ils avaient été relaxés. Voilà ce que je souhaiterais pour les Conti. On en discutera à Blanquefort.
En parlant des Conti et de Xavier Mathieu, un des délégués syndicaux CGT condamnés, que pensez-vous du terme « racaille » qu'il a utilisé pour qualifier Bernard Thibault ?
Je ne serais jamais allé jusque-là. « Racaille » rappelle un certain gars qui a sorti ça et qui est devenu président de la République. Maintenant, je suis d'accord pour dire que Thibault n'a rien fait et laisse carrément tomber la base. Il est mieux dans les salons que dans la rue, avec les gens en lutte qui sont dans le pétrin. Nous, avant et depuis la fermeture de l'usine, nous n'avons eu aucun contact avec la Fédé. Seule l'Union départementale de Poitiers s'est un peu intéressée à notre sort.
Il faut dire qu'en haut lieu syndical, votre menace de faire sauter New Fabris n'a pas été bien interprétée...
C'était juste un moyen de pression. La Confédération n'a pas voulu comprendre. Philippe Martinez, qui s'occupe du secteur industrie automobile, aurait même déclaré récemment qu'il était contre les demandes d'indemnités et de primes. Mais nous aussi, on aurait préféré garder notre emploi et qu'il y ait un nouveau repreneur. C'est pour cela qu'on s'est battus pendant six mois.
Justement, que ressentez-vous un mois après la fermeture de l'usine ?
Il faut tourner la page. Nous avons déménagé les meubles que nous avions dans le local et chacun est parti de son côté. Avec une soixantaine d'anciens salariés, nous avons créé un comité des privés d'emploi Fabris. On va essayer de retrouver un emploi rapidement, quitte à mettre la pression auprès des politiques. Le but est de maintenir le contact et que personne ne reste seul dans son coin.
Avez-vous perçu les 12 000 euros qui vous ont été proposés ?
Non, mais j'ai reçu le jugement de liquidation du tribunal de Lyon et il est écrit que nous toucherons les 12 000 euros net, non imposables, le 7 septembre au plus tard.
Mardi, le ministre de l'Industrie, Christian Estrosi, était à Châtellerault. L'avez-vous rencontré ?
Nous nous sommes rassemblés avec quelques-uns des anciens collègues. Il a reçu les quatre syndicats.
Que vous a-t-il dit ?
Comme d'habitude, il n'a fait que des promesses. Il est venu voir l'emplacement d'une nouvelle usine qui devrait voir le jour fin 2010 et qui serait prête à embaucher 370 personnes. Il nous a dit que priorité serait donnée aux 259 ex-employés de Fabris qui ont pris le CTP (contrat de transition professionnelle). Un CDI leur serait proposé au terme de celui-ci. Il doit revenir au mois de juin pour nous confirmer tout ça, et on espère, une fois de plus, qu'il tiendra ses engagements.
Par Jacky Sanudo.